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noises, des exigences monstrueuses. L’empereur de Chine traité d’égal à égal par des souverains étrangers, l’empereur de Chine obligé à recevoir des lettres et sans doute à y répondre, c’était là ce qu’on aurait pu appeler, dans le langage du mandarin Tsao-yang, une convulsion de la nature ! — Le jour où le prince Tsaï fit connaître à Pékin que les ambassadeurs insistaient sur ces trois conditions et où il demanda des instructions définitives, ce jour-là seulement la guerre parut inévitable. Le parti de San-ko-lin-sin triompha dans les conseils de l’empereur ; le général tartare vint mettre son armée en travers de Tong-chaou, et soit trahison, soit effet d’un malentendu et du hasard, les hostilités recommencèrent, Tels étaient l’état des choses et la situation des esprits à Pékin pendant que les troupes alliées franchissaient les étapes qui les avaient conduites jusqu’à Pa-li-kiao. Désir sincère de céder sur toutes les questions qui intéressaient les rapports commerciaux, résistance acharnée à tout ce qui pouvait entamer la dignité de l’empire en imposant à l’empereur des rapports directs avec les étrangers et en autorisant la présence de ces étrangers dans la capitale ou même dans le voisinage, dédain complet ou plutôt ignorance profonde des moyens d’action que possédaient les troupes alliées, obstination, orgueil, aveuglement, — voilà, en trois mots, quelle était la politique chinoise. Il fallait qu’elle fût humiliée, courbée jusqu’à terre, pour reconnaître et ses erreurs et sa défaite. Elle n’avait plus longtemps à attendre pour recevoir cette dernière et cruelle leçon.


IV

Le 22 septembre, au lendemain de la bataille de Pa-li-kiao, un nouveau personnage, le prince Kong, frère de l’empereur, paraissait en scène. Il fit son entrée par une courte lettre, datée du 21, dans laquelle il notifiait le décret qui le nommait commissaire impérial en remplacement du prince Tsaï et de Mouh, destitués « pour avoir mal géré les affaires. » Il annonçait en même temps qu’il avait les pleins pouvoirs pour traiter de la paix, et il demandait la suspension des hostilités.

Ce début épistolaire ne différait en rien de la formule adoptée par les prédécesseurs du prince Kong, et les pleins pouvoirs dont celui-ci se disait investi pouvaient paraître trop vagues, puisqu’ils n’énonçaient pas expressément les clauses dont le cabinet de Pékin autorisait l’acceptation ; mais à ce moment trois questions des plus graves préoccupaient les ambassadeurs et les généraux alliés, En premier lieu, il fallait absolument retirer des mains des Chinois les prisonniers français et anglais qui avaient été retenus à Tong-