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darins concluent ainsi : « Nous ne pouvons comprendre en aucune façon un départ aussi précipité. Étant assurés que les forces des barbares ne s’élèvent pas à plus de 10,000 hommes, alors que San-ko-lin-sin en a plus de 30,000 sous ses ordres, nous ne mettons pas un seul instant en doute que le grand nombre écrasera le petit ; mais nous désirons seulement représenter que ces barbares viennent de traverser les mers avec l’unique pensée de faire le commerce. Il leur est nécessaire de s’établir à Canton, à Ning-po, à Shanghaï et dans les autres ports, et ils n’ont pas eu un moment l’intention de conquérir le pays. Aujourd’hui même cette idée n’est pas entrée dans leur esprit : leur désir d’entrer à Pékin est une satisfaction d’amour-propre plus que toute autre chose ; il n’y a donc aucune catastrophe à redouter… » Dans un troisième mémoire, émané d’un ministre, on lit qu’il faut combattre, vaincre et négocier, et le ministre, ajoute : « La ruse étant permise à la guerre, nous pourrions, dans le cas où la paix aurait été consentie précédemment, lancer notre armée sur leurs troupes sans défiance, les battre aisément et leur fermer l’accès de la capitale. » En citant cet avis d’une conscience peu délicate, nous devons dire que c’est le seul passage qui, au milieu de ces nombreux mémoires, révèle une pensée de trahison. — Terminons par une supplique de Tsao-yang, qui prend le titre de censeur de la province de Hou-kouang, et qui, fidèle aux devoirs de sa charge, ose s’exprimer en ces termes : « Si l’empereur s’éloigne, l’effet produit par ce départ ressemblera à une convulsion de la nature, et les malheurs qui en résulteront seront irréparables. De quel œil votre majesté considère-t-elle donc son peuple ? Quel prix attache-t-elle donc aux cendres de ses ancêtres et aux autels de ses dieux tutélaires ? Abandonnerez-vous l’héritage de vos aïeux comme une paire de souliers usés ? Que dirait l’histoire dans les siècles à venir ? Jamais encore on n’a vu un souverain choisir le moment du danger et de la détresse pour se rendre à la chasse, sous prétexte que son départ préviendra toute complication… » En résumé, tous les avis furent contraires à la proposition de San-ko-lin-sin, non moins qu’au projet qu’avait formé l’empereur de se mettre à la tête de l’année chargée de couvrir la route de Tong-chaou.

Il est vraiment impossible de ne point remarquer le style de ces mémoires et de ces suppliques, d’où nous n’avons dû extraire qu’un petit nombre de fragmens. Est-ce bien à un souverain absolu, à l’empereur de Chine, que l’on s’adresse ainsi ? Sont-ce bien ces mandarins si obséquieux d’ordinaire, et quelquefois si humbles et si plats, sont-ce bien eux qui se permettent de telles remontrances ? Il n’y a pas à en douter. Ces pièces ont été trouvées parmi les pa-