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mélange de sévérité et de démence que sont traités en Chine les généraux vaincus. Persuadé par les nombreux partisans de la paix que les barbares ne pensaient qu’à obtenir une satisfaction d’amour-propre et des avantages pour leur commerce, il leur envoya Kouei-liang ; mais, dès qu’il apprit qu’il était question d’une indemnité de guerre et d’une escorte de deux mille hommes pour accompagner les ambassadeurs à Pékin, sa colère fut extrême. « Kouei-liang et ses collègues, écrit-il dans une note adressée le 7 septembre au grand-conseil, ont désobéi à mes ordres formels ; ils ont montré qu’ils ont peur des barbares : ils ont remis l’empire entre leurs mains. Nous allons sur-le-champ venger la loi en faisant exécuter ces ministres, et après nous combattrons les barbares jusqu’à extinction. » Et le même jour, à Tien-tsin, le commissaire Kouei-liang, après avoir concédé aux ambassadeurs alliés tout ce qu’ils demandaient, se retranchait derrière l’insuffisance de ses pouvoirs pour ne pas signer définitivement le traité, d’où il est permis de conclure : 1° que dans la pensée de l’empereur il s’agissait, non pas de céder purement et simplement aux exigences des alliés, mais de négocier avec eux ; 2° que l’empereur avait nettement indiqué à ses commissaires les points qu’ils ne devaient accepter à aucun prix ; 3° que les commissaires impériaux, en présence des ambassadeurs et des troupes alliées, reconnaissaient la nécessité d’accorder tout, en se réservant néanmoins de solliciter l’approbation de Pékin pour des clauses qui étaient contraires à leurs instructions ; 4° qu’au dernier moment, prévoyant la résistance obstinée de l’empereur et redoutant la disgrâce, ils manquaient à la parole donnée aux ambassadeurs, se retiraient tristement de la scène, et laissaient à d’autres négociateurs plus habiles ou plus heureux le soin de sauver l’empire sans désobéir à l’empereur.

Lorsque les négociations furent rompues à Tien-tsin, l’empereur jugea que l’affaire était décidément sérieuse. D’une part, toujours clément et désireux d’épargner à ses peuples les fléaux de la guerre, il voulut bien dépêcher auprès des barbares le prince Tsaï « pour leur mettre encore une fois devant les yeux le véritable chemin, pour discuter avec eux et arranger d’une manière satisfaisante les différentes concessions qu’ils demandaient. » D’un autre côté, il fallait bien prévoir le cas où ces barbares s’obstineraient dans leurs insolentes prétentions et oseraient s’avancer vers la capitale. L’empereur ordonna donc que les grands dignitaires de service se réunissent en conseil ; il leur communiqua le rapport secret de San-ko-lin-sin ; il annonça que son opinion et son désir personnel le porteraient à se mettre à la tête de l’armée pour la conduire vers Tong-chaou à la rencontre de l’ennemi. Les dignitaires étaient appelés à en délibérer et à se prononcer entre la pro-