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jours. Pologne, quoi qu’on fasse, a un intérêt d’amour-propre au maintien de la supériorité politique de la capitale de Vienne. Vis-à-vis des Polonais, d’Autriche tient toujours des cartes de réserve en main, et malgré tout elle ne peut pas les abandonner. Dans un siècle, où l’homme est si troublé et si faible, et, où à travers ses petites agitations, Dieu le mène vers de si grandes choses, l’Autriche a mis à éviter toute vraie grandeur une ingénuité qui, mieux employée, l’eût faite prépondérante dans l’Europe centrale. Plusieurs fois cette grandeur l’est venue solliciter : elle s’en est toujours détournée, mais le souvenir lui reste. La Pologne a été pour elle une suprême occasion manquée : reviendra-t-elle un jour ? Qui le sait ? En attendant, le moment serait mal venu pour demander à la Pologne autrichienne de s’humilier bénévolement.

On le voit donc, tant qu’il s’agira d’une juste satisfaction accordée à la Hongrie (et chacun la reconnaît juste, y compris les Viennois eux-mêmes), on trouvera partout de l’appui. On en trouvera d’autant mieux que, vis-à-vis du gouvernement central, il y a infiniment d’abus d’autorité dont il est également important, pour chaque partie de la monarchie, de se débarrasser. La lutte contre la bureaucratie est une lutte nécessaire et à laquelle on n’échappera pas. De là cette lenteur de vie que j’ai signalée, et à laquelle il faut remédier par une plus large somme de self-government. Il incombe par conséquent à ceux qui vont maintenant diriger la Hongrie de poser comme limite à ses prétentions la ligne où s’arrêtera la coopération des autres races. C’est le vrai sens de la Gleichberechtigung, et il faut s’y tenir.

Pour l’Allemagne, la question me paraît beaucoup plus claire, car rien dans ce qui pourrait s’appeler « politique hongroise » ne saurait porter atteinte aux convictions de la grande Allemagne du dehors, bien au contraire. Pour ce qui constitue le cultur element, dont l’Allemand est à juste titre si fier, pour ces glorieuses traditions et ces illustres noms auxquels l’humanité tout entière rend hommage, le Hongrois, est plein de déférence. Or, comme d’autre part il mentirait à lui-même, à ses origines, à ses opinions, à ses habitudes, à ses goûts, s’il n’était l’ennemi juré et hautain de la Prusse de M. de Bismark, je ne vois pas quelle raison l’Allemagne du dehors pourrait avoir de redouter une certaine prépondérance de l’élément hongrois en Autriche.

Reste la question par excellence, c’est-à-dire la Hongrie elle-même et ses partis politiques. Le nouveau cabinet en est-il maître ? Ou bien, dès les premiers débats de la diète, s’apercevra-t-on que MM. de Maïlath et Sennyeï ne sont que des girondins, et que, sous quelque aspect, heureux ou terrible, que l’avenir se présente, il faut