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gré tous les affronts. Ses amis aussi étaient puissans : le vieux feld-maréchal Palffy, d’abord Judex curiœ, avait été élu palatin, et le nouveau judex curiœ était Joseph Esterhazy, dont l’appui fut précieux. Pourtant toute tentative d’obtenir la corégence de François de lorraine demeura fructueuse, et ni Palffy, ni Esterhazy, ni Grassalkovics, n’avancèrent d’un pas. Le refus prit toute sorte de formes, de prétextes, et demeura inébranlable. Surtout la table inférieure (ou chambre basse) assaisonna sa dénégation d’argumens peu faits pour concilier la bienveillance de la souveraine. La situation s’aggravait tous les jours, et Palffy en était à prier sa royale maîtresse de ne plus insister sur le Mitregentschaft du grand-duc, ce qui montrait de sa part une assez mince appréciation du caractère auquel il avait affaire. « J’ai une forte volonté, lui fut-il répondu, et ce que je me suis juré à moi-même, je l’accomplirai. » Les postulate ou requêtes de la nation avaient été présentées, et à la fin de juillet la couronne demeurait encore silencieuse. Le 20 juillet, le message royal fut porté à la représentation collective du pays, c’est-à-dire aux deux chambres réunies. Le protonotar Gabriel Pechy le lut à haute voix pour autant que cela lui fut permis par le tumulte effroyable qui éclata, et à la fin de la lecture ce fut, selon l’expression d’un historien, « un vacarme infernal de cris, d’injures et de hurlemens. » La lutte allait croissant ; les pamphlets les plus offensans, les brochures les plus violentes contre la reine elle-même et tous ses adhérens se répandaient partout. Plusieurs affectaient un caractère tellement séditieux, que, par ordre du palatin, ils durent être brûlés au pied de la potence. Les discussions, on le conçoit, ne menaient à rien, et quant à jamais atteindre à un compromis entre la couronne et la nation, nul n’en gardait plus le moindre espoir. La position de Marie-Thérèse à Presbourg pouvait vraiment s’appeler désespérée, et pendant qu’entre elle et les Hongrois tout s’empirait de la sorte, le danger du dehors s’accroissait en égale proportion. Frédéric II refusait avec dédain les offres d’une paix telle quelle, et Charles-Albert de Bavière déjà s’apprêtait à faire valoir ce qu’il nommait, lui, ses droits « à la succession de Charles VI comme roi de Hongrie. »

« Je suis une bien malheureuse reine, dit alors Marie-Thérèse, mais j’ai un cœur de roi ! » Et elle le prouva. Aucun moyen de salut ne se laissait plus voir. L’ennemi extérieur, parti de tous les points à la fois, resserrait son cercle autour de la malheureuse Autriche, et quand, seule, une armée fraîche tirée de Hongrie pouvait conjurer les dangers du dehors, la Hongrie opposait à tout désir de la couronne un inflexible « non ! » Quelle chance y avait-il qu’un peuple qui éclatait en insultes contre sa maison régnante fût amené