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chimiste et un physiologiste ne pourraient faire apparaître des êtres vivans nouveaux dans leurs expériences, qu’en obéissant aux lois éternelles de la nature.


III.

La méthode expérimentale a pour but de trouver le déterminisme ou la cause prochaine des phénomènes de la nature. Le principe sur lequel repose cette méthode est la certitude qu’un déterminisme existe ; son procédé de recherche est le doute philosophique ; son critérium est l’expérience. En d’autres termes, le savant croit d’une manière absolue à l’existence du déterminisme qu’il cherche, mais il doute toujours de l’avoir trouvé. C’est pour cela qu’il est sans cesse obligé de s’en référer à l’expérience. La méthode expérimentale n’est que l’expression de la marche naturelle de l’esprit humain allant à la recherche des vérités scientifiques qui sont hors de nous. Chaque homme se fait de prime abord des idées sur ce qu’il voit, et il est porté à interpréter les phénomènes de la nature par anticipation avant de les connaître par expérience. Cette tendance est spontanée ; une idée préconçue a toujours été et sera toujours le premier élan d’un esprit investigateur. La méthode expérimentale a pour objet de transformer cette conception à priori, fondée sur une intuition ou un sentiment vague des choses, en une interprétation à posteriori, établie sur l’étude expérimentale des phénomènes. C’est pourquoi on a aussi appelé la méthode expérimentale méthode à posteriori.

L’esprit humain a passé par trois périodes nécessaires dans son évolution. D’abord le sentiment, s’imposant à la raison, créa les vérités de la foi, c’est-à-dire la théologie. La raison ou la philosophie, devenant ensuite la maîtresse, enfanta les systèmes ou la scolastique. Enfin l’expérience, c’est-à-dire l’étude des phénomènes naturels, apprit à l’homme que les vérités du monde extérieur ne se trouvent formulées de prime abord ni dans le sentiment ni dans la raison. Ce sont seulement nos guides indispensables ; mais pour atteindre ces vérités il faut nécessairement descendre dans la réalité objective des faits, où elles se trouvent sous la forme de relations phénoménales.

C’est ainsi qu’apparaît par le progrès naturel des choses la méthode expérimentale, qui résume tout en s’appuyant successivement sur les trois branches de ce trépied immuable : le sentiment, la raison et l’expérience. Dans la recherche de la vérité au moyen de cette méthode, le sentiment a toujours l’initiative, il engendre