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vitale ainsi comprise qui constituait la force médicatrice d’Hippocrate, la force séminale et l’archeus faber de Van Helmont. Si je devais définir la vie d’un seul mot, je dirais : la vie, c’est la création. En effet, la vie pour le physiologiste ne saurait être autre chose que la cause première créatrice de l’organisme qui nous échappera toujours, comme toutes les causes premières. Cette cause se manifeste par l’organisation ; pendant toute sa durée, l’être vivant reste sous l’empire de cette influence vitale créatrice, et la mort naturelle arrive lorsque la création organique ne peut plus se réaliser.

L’esprit de l’homme ne peut concevoir un effet sans cause, la vue d’un phénomène éveille toujours en lui une idée de causalité, et toute la science humaine consiste à remonter des effets observés à leur cause ; mais de tout temps les philosophes et les savans ont distingué deux ordres de causes, — les causes premières et les causes secondes ou prochaines. Les causes premières, qui sont relatives à l’origine des choses, nous sont absolument impénétrables ; les causes prochaines, qui sont relatives aux conditions de manifestation des phénomènes sont à notre portée et peuvent nous être connues expérimentalement. Newton a dit que celui qui se livre à la recherche des causes premières donne par cela même la preuve qu’il n’est pas un savant. En effet, cette recherche reste stérile, parce qu’elle nous pose des problèmes qui sont inabordables à l’aide de la méthode expérimentale.

En résumé, il y a dans un phénomène vital, comme dans tout autre phénomène naturel, deux ordres de causes : d’abord une cause première, créatrice, législative et directrice de la vie, et inaccessible à notre connaissance, — ensuite une cause prochaine ou exécutive du phénomène vital, qui toujours est de nature physico-chimique, et tombe dans le domaine de l’expérimentateur. La cause première de la vie donne l’évolution ou la création de la machine organisée ; mais la machine, une fois créée, fonctionne en vertu des propriétés de ses élémens constituans et sous l’influence des conditions physico-chimiques qui agissent sur eux. Pour le physiologiste et le médecin expérimentateur, l’organisme vivant n’est qu’une machine admirable, douée de propriétés les plus merveilleuses, mise en action à l’aide des mécanismes les plus complexes et les plus délicats. C’est une machine dont ils doivent analyser et déterminer le mécanisme, afin de pouvoir les modifier, car la mort accidentelle n’est que la dislocation où la destruction de l’organisme par suite de la rupture ou de la cessation d’action d’un ou de plusieurs de ces mécanismes vitaux.