Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/649

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vue médical ou thérapeutique, nous ne saurions trouver, ni chez l’homme ni chez les animaux élevés, une indépendance vitale à l’égard des poisons et des médicamens. Tous les jours nous pouvons modifier les phénomènes de la vie ou les éteindre en faisant pénétrer des substances actives dans notre sang ou dans notre milieu organique ; mais ce serait une illusion que de ne voir, dans toutes ces modifications si variées et si multiples de l’organisme, que l’expression indéterminée d’une force vitale quelconque. Elles dépendent toutes au contraire de conditions physico-chimiques précises survenues dans notre milieu intérieur ou dans les élémens histologiques de nos tissus

Autrefois Buffon avait cru qu’il devait exister dans le corps des êtres vivans un élément organique particulier qui ne se retrouverait pas dans les corps minéraux[1]. Les progrès des sciences chimiques ont détruit cette hypothèse en montrant que le corps vivant est exclusivement constitué par des matières simples ou élémentaires empruntées au monde minéral. On a pu croire de même à l’activité d’une force spéciale pour la manifestation des phénomènes de la vie ; mais les progrès des sciences physiologiques détruisent également cette seconde hypothèse, en faisant voir que les propriétés vitales n’ont pas plus de spontanéité par elles-mêmes que les propriétés minérales, et que ce sont les mêmes conditions physico-chimiques générales qui président aux manifestations des unes et des autres. On ne saurait inférer de ce qui vient d’être dit que nous assimilons les corps vivans aux corps bruts ; le bon sens de tous protesterait immédiatement contre une pareille confusion. Il est évident que les corps vivans ne se comportent pas comme les corps inanimés. Il s’agit seulement de bien caractériser et de bien définir leur différence, car c’est un point capital pour bien comprendre la science physiologique expérimentale.

De toutes les définitions de la vie, celle qui est à la fois la moins compromettante et la plus vraie est celle qui a été donnée par l’Encyclopédie : « la vie est le contraire de la mort. » Cette définition est d’une clarté naïve, et cependant nous ne pourrons jamais rien dire de mieux, parce que nous ne saurons jamais ce qu’est la vie en elle-même. Pour nous, un corps n’est vivant que parce qu’il meurt et parce qu’il est organisé de manière à ce que, par le jeu naturel de ses fonctions, il entretient son organisation pendant un certain temps et se perpétue ensuite par la formation d’individus semblables à lui. La vie a donc son essence dans la force ou plutôt dans l’idée directrice du développement organique ; c’est la force

  1. Buffon, Œuvres complètes publiées par Lacépède, t. IX, p. 25.