Sur la place publique, afin qu’on le contemple,
A la douce Pitié nous bâtirons un temple…..
Je faisais ces réflexions en lisant quelques pièces singulièrement expressives de Mme Louise d’Isole dans un petit volume intitulé Passion. Je m’y abandonnais surtout en feuilletant les pages d’un livre qui porte ce simple titre : le Long du chemin. Le livre est écrit en prose, mais, l’auteur est un poète. Le chemin qu’a suivi Mme Blanchecotte est tout ensemble un chemin de douleur et de poésie. Il y a quelques années, elle avait publié un recueil de vers, Rêves et réalités, qui fut justement remarqué des esprits attentifs. L’Académie française lui avait décerné une de ses couronnes, un second volume, intitulé simplement Nouvelles poésies, avait valu à l’auteur des suffrages non moins précieux. Aujourd’hui c’est le commentaire, ou plutôt la substance même de ses chants, que nous livre Mme Blanchecotte, Si tous ceux qui écrivent des strophes étaient tenus de publier en prose, sous forme nette et précise, les sentimens d’où leur poésie est née, on verrait bientôt la rimaillerie aux abois. Il y a tant de strophes d’airain qui sonnent creux, tant de timbales retentissantes derrière lesquelles, on ne sent que la main du timbalier ! Mme Blanchecotte ne redoute pas cette épreuve ; sa poésie au contraire y gagne un relief nouveau. L’âme de ses chants, on le voit bien d’après les confidences du moraliste, c’est précisément cette pitié dont nous parlions tout à l’heure, virile pitié dans un cœur de femme, pitié courageuse et féconde qui fait sortir de sa propre souffrance un enseignement pour tous. La vie a été dure pour l’humble et noble personne qui a tracé ces pages ; en s’exhortant à souffrir, c’est-à-dire à supporter, elle songe à tous ceux que son effort peut encourager au bien. Elle est vraiment le poète de la résignation, non pas d’une résignation inerte, mais de la résignation armée, toujours en garde contre elle-même, toujours prête à lutter contre la destinée. Quand l’époux dont le travail nourrissait le foyer modeste eut senti s’altérer sa raison, la femme, dévouée désormais au malade qui n’avait que son appui, attendait précisément à cette heure de désolation la venue d’un nouveau-né. C’est alors qu’elle jetait ce cri :
Petit être adoré dont le sexe inconnu
Me fait souvent rêver un nom doux et sonore,
Viens, oh ! viens, je t’attends ! Quand tu seras venu,
J’ai de l’amour pour toi, je puis souffrir encore ;
J’ai gardé pour ta vie un fécond dévoûment.
A toi la paix, mon ange ! à mon cœur le tourment !
Joins à mes maux, Seigneur, ceux que tu lui destines
Je supporterai tout, forte pour mon enfant,
Car le cœur d’une mère a d’immenses racines.