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chant dégager son âme et interroger Dieu, je me demande si les femmes qui chantent n’ont pas subi à leur tour ces doutes et ces indécisions. En poésie comme en philosophie, il y a sur bien des points une mauvaise tendance à sortir de l’humanité ; si je retrouvais quelque chose de cela chez les femmes poètes de l’heure présente, j’en serais attristé comme d’un symptôme funeste. Rassurons-nous, il n’en est rien. La poésie d’il y a trente ans, la poésie spiritualiste et généreuse est toujours celle qui plaît à leurs âmes. C’est la poésie, éternelle, il ne s’agit que de la rajeunir, c’est-à-dire de la marquer à notre empreinte. C’est pourquoi je veux placer ici, comme un intermède souriant, quelques-unes des femmes dont le chant vient de se révéler à nous. Les stylistes bruyans qui tout à l’heure sans doute nous trouvaient trop sévère seront peut-être un peu scandalisés de notre indulgence ; qu’importe ? Nous ne cherchons pas ici des chefs-d’œuvre ; dussent les femmes poètes dont nous allons prononcer les noms encourir certaines, critiques (et les nôtres même ne leur manqueront pas), elles auront rempli une tâche aimable, si la note dominante de leur chant indique aux chefs d’orchestre le véritable ton.

Qu’est-ce que ce livre ? Un mot de ma foi, un mot de ma charité, un mot de mon espérance. Je n’écris pas parce que je raisonne, j’écris parce que je sens. S’il est vrai, comme le dit Mme de Staël, que la poésie est une jouissance momentanée de tout ce que notre âme souhaite, la poésie est en moi. Mes vers sont pour ainsi dire une sensation chantée, une harmonie intérieure qui vibre au contact de tout ce qui me touche extérieurement. Que ce soit par la nature dans la création ou par l’homme dans l’humanité, si j’ai été touchée, j’ai chanté. » Mme Auguste Penquer se fait peut-être quelque illusion en caractérisant ainsi son livre des Révélations poétiques ; n’importe, il faut lui savoir gré de son. idéal. Je n’aime pas toujours ses vers, j’aime ce qu’elle a voulu, Cette poésie est trop souvent le reflet des Feuilles d’automne et des Méditations ; on y rencontre néanmoins, au milieu même des réminiscences, des accens émus et gracieux, des mélodies touchantes, parce qu’elles sont sincères. Quand le souvenir des maîtres ne la domine pas trop, c’est bien de la poésie de femme, poésie facile, compatissante, un peu molle, comme celle que Mlle Ernestine Drouet a fait applaudir ; à l’Académie française il y a quelques-années. Il semble même que le succès de l’auteur de Caritas ne soit pas étranger à ces vocations, non pas tardives peut-être, mais jusque-là timides et qui se sont déclarées tout à coup. Anch’io son pittore ! Compagne d’un médecin justement estimé dans un grand port de Bretagne, Mme Penquer depuis longtemps déjà égayait et charmait la vie grave du