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naissait une fille, elle l’élèverait pour la vie religieuse : cette fille naquit, et Léta remplit sa promesse.

L’enfant fut nommée Paula, comme sa grand’mère, et la première parole que la mère lui apprit à former fut celle d’Alleluia. Jérôme, dans un tableau charmant, nous peint le pontife des dieux, entouré de sa postérité chrétienne, le nouveau-né sur ses genoux, l’écoutant avec délice balbutier le cri de triomphe des chrétiens. Cette naissance et cette consécration remplirent de joie, les hôtes de Bethléem. Jérôme y voyait déjà la conversion d’Albums, « Comme une sainte et fidèle maison, écrivait-il à Léta, sanctifie l’infidèle ! Albinus est déjà le candidat de la foi, une foule de fils et de petits-fils chrétiens l’assiègent : je crois, quant à moi, que, si Jupiter lui-même avait une telle famille, il se convertirait à Jésus-Christ ; Que le pontife éclate de rire et se moque de ma lettre, qu’il me déclare un homme stupide ou fou, je le lui permets ; son gendre Toxotius en faisait bien autant naguère ; On devient, on ne naît pas chrétien. Le Capitole et ses lambris dorés sont noircis par la rouille ; la mousse et les toiles d’araignée tapissent les temples de Rome ; la ville, sortie de ses fondemens, se déplace, et ses peuples passent comme un torrent devant les chapelles ruinées des dieux, pour courir aux tombeaux des martyrs. »

Léta, dans l’enivrement de son bonheur, rêvait déjà un plan d’éducation complet pour cette chrétienne au maillot, et elle pria sérieusement Jérôme de le lui tracer : prière maternelle dont celui-ci ne sourit point, et à laquelle il acquiesça avec sa grâce accoutumée. Il rédigea donc pour Léta sous forme de lettre un petit traité que nous avons encore, où il expose les principes qui devaient diriger l’enfance d’une Romaine dans les conditions de richesse, de rang, de vocation, que présentait l’héritière de Toxotius. On retrouverait au besoin dans cette aimable et sage lettre la trace des conseils de Paula et des désirs d’Eustochium, qui réclamait avant tout le monde l’éducation de sa nièce. Répondant à leur vœu commun, il disait à Léta : « Je crains qu’il ne te soit difficile, impossible même d’élever ta fille à Rome d’après ces règles, envoie-la à Bethléem, où sa grand’mère et sa tante la façonneront plus aisément et plus sûrement. Ce sera une perle précieuse sur le lit de Marie ; elle reposera dans la crèche de Jésus. Nourrie dans le monastère, au milieu du chœur des vierges, elle ne connaîtra ce monde qu’à travers la vie des anges… Eustochium veut l’avoir ; confie-lui cette petite, dont le vagissement seul est une prière au ciel pour toi. Que ton enfant voie, aime, admire, dès ses premiers regards, celle chez qui tout est enseignement de vertu : la parole, la tenue, la démarche ! Que cette nouvelle Paula soit bercée sur le sein de sa grand’mère, qui recommencera pour la petite-fille ce qu’elle a fait