Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous deux avaient eu la faveur de l’empereur, et, parvenus tous deux à un grade déjà élevé, ils avaient déposé le ceinturon de la milice pour le froc des cloîtres. A la cour, Népotien se dérobait aux devoirs de sa charge pour s’enfermer et prier ; à l’armée, il portait un cilice sous sa cuirasse. Sorti de l’état militaire, il voulut donc être moine tout de bon ; mais son oncle le retint, il avait besoin d’un aide : il l’attacha malgré lui au service du ministère épiscopal. L’ancien habitué des champs de bataille, l’ancien courtisan du palais des césars eut d’abord pour emploi d’allumer les, cierges, de préparer les vêtemens sacerdotaux, de distribuer aux pauvres le pain et les aumônes, de visiter les malades ; il devint ensuite diacre et prêtre. Népotien pourtant ne franchit ce dernier pas qu’après mille hésitations, car le désir de la solitude le travaillait intérieurement jusqu’au pied des autels, et il ne se soumettait à ces devoirs séculiers que par obéissance pour un évêque qui était en même temps son oncle. Il fit de Jérôme le confident de ses doutes, il lui ouvrit son âme, et celui-ci le raffermit dans la voie que, pour leur intérêt commun, Héliodore lui avait tracée. Il lui montra comment il pouvait allier des fonctions dont le respect lui faisait un devoir avec les pratiques de l’ascétisme : Népotien se résigna. Rien n’est plus beau, plus attendrissant que cette correspondance et ces pieux efforts d’un ami pour conserver à un ami l’appui de sa vieillesse. Jérôme devint donc comme un dieu pénate au foyer de l’évêque ; son image y était toujours présente, son nom s’y trouvait à tout propos dans toutes les bouches. Cependant le bonheur qu’il avait cru raffermir ne dura pas : Népotien fut atteint d’une maladie qui le conduisit lentement au tombeau. Avant de rendre le dernier soupir, il fit apporter sur son lit ses vêtemens de prêtre, et, prenant la main de son oncle : « Je te supplie, lui dit-il, d’envoyer cette tunique à mon très cher père par l’âge, mon frère par la dignité, et si tu me dois quelque affection, comme à ton neveu, reporte cette affection tout entière sur celui que tu aimais déjà avec moi. » On devine de qui il voulait parler. Jérôme reçut, avec la nouvelle de cette mort, le vêtement que Népotien avait consenti à porter d’après son conseil. Il fondit en larmes, mais il avait un autre devoir à remplir que celui de pleurer : il dut consoler Héliodore.

L’année suivante, 397, lui imposa avec une douleur plus poignante encore d’autres devoirs de consolation. La femme de Pammachius, la seconde fille de Paula, Pauline, mourut vers la fin de décembre dans tout l’épanouissement de la jeunesse et de la santé, elle mourut, comme Rachel, en mettant au monde un enfant ; mais « le fils de sa douleur » était déjà mort dans son sein. Après douze ans d’une union constamment sereine, elle laissait son mari seul,