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fer connu sous le nom de South-Eastern, et à cette position il doit la connaissance pratique des faits, les renseignemens minutieux et les réflexions solides qui distinguent sa Vie des Ingénieurs.

Self-Help vous enseigne a chaque page la philosophie des petites choses, les avantages de l’économie et la valeur du temps. Time is money, disent nos voisins ; mais pour M. Smiles le temps est bien plus que cela c’est la culture, l’amélioration de soi-même, la formation du caractère. Pour les hommes d’état, le temps c’est le pouvoir. Lord Palmerston, lord Russell, M. Gladstone, disputent aux heures fugitives de la vie tout ce que peuvent leur arracher une résolution vigoureuse et un travail opiniâtre. Là est le secret de leur influence. Lord Brougham est surtout, malgré son grand, âge, un des représentans les plus illustres de cette activité anglo-saxonne qui ne fléchit jamais. Sir Samuel Romilly, auquel on demandait un travail qu’il ne pouvait entreprendre, répondit un jour : « Adressez-vous à lord Brougham ; celui-là trouve du temps pour tout. » Quelqu’un disait encore : « Tel, est son désir d’exceller en tout que si le sort l’avait fait naître décrotteur, il ne se fût point donné de repos qu’il ne fût devenu le meilleur décrotteur de Londres. » Sans mépriser la fortune, M. Smiles ne la considère point comme le but de l’activité humaine. Il rappelle ce beau mot de Swift : « Il faut avoir l’argent dans la tête et non dans le cœur. » La fortune n’a de mérite que quand elle sert de véhicule à une idée et à de nobles sentimens. « Pour nous, ajoute-t-il, nous ne croyons pas qu’il y ait de plus grave affaire dans la vie que de se faire un caractère viril et d’arriver au plus haut développement possible du corps, de l’intelligence et de la conscience ; c’est là le but, et on ne devrait voir dans tout le reste que des moyens. »

L’auteur de Self-Help attache une grande importance à la biographie des inventeurs. L’homme qui invente ne rend pas seulement par sa découverte un service à l’humanité : il laisse un exemple. Ce sont ces exemples que M. Smiles recueille avec un soin pieux, et qu’il propose aux générations nouvelles comme un encouragement ou un reproche. Parmi ses esquisses biographiques des grands hommes fils de leurs œuvres, il est plus d’une anecdote connue, trop connue peut-être ; mais un intérêt véritable s’attache à l’histoire de quelques savans modernes dont le public n’admirait jusqu’ici que les travaux. Qui savait, par exemple, que M. Michael Faraday, un des grands philosophes de la science, est le fils d’un pauvre forgeron, et qu’il avait été apprenti jusqu’à l’âge de vingt-deux ans chez un relieur ? Sir Roderick Murchison découvrit un jour à Thurso, dans le nord de l’Ecosse, un boulanger, nommé Robert Dick, qui était à la fois un profond géologue et un botaniste éminent. « Je reconnus à ma grande humiliation, dit le directeur-général de la société géographique de Londres, que ce boulanger en savait plus que moi, oui, dix fois plus que moi en botanique. » On pense bien que M. Smiles n’oublie point non plus Hugh Miller, ouvrier dans une carrière de l’Ecosse, qui, le marteau à la main, ouvrit des perspectives