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tions qu’on tire de l’oubli et qui s’accumulent de plus en plus. Il faut en convenir en effet, nous sommes d’un temps qui a particulièrement ce goût des exhumations et des restaurations où se mêlent un zèle singulier d’exactitude et une curiosité souvent indiscrète ou futile. L’inédit a pour nous une saveur irrésistible. Nous avons la passion des détails familiers sur les hommes et sur les choses, des secrets qui dorment dans la poussière des archives privées ou publiques, et cette émulation de découvertes ne laisse pas quelquefois de faire naître d’étranges épisodes entre érudits qui se disputent une même époque pu un même personnage.

Toujours est-il que ce goût du nouveau et de l’inconnu, ce goût du document intime, qui a sans contredit ses bizarreries et ses puérilités, a aussi ses résultats sérieux et devient un des traits les plus caractéristiques du moment présent. Il se forme en vérité depuis quelque temps toute une littérature de révélations et de rectifications historiques. Des mémoires qu’on croyait connaître, et qui étaient plus ou moins altérés, sont rendus à leur intégrité première ; des témoignages nouveaux se multiplient sur le XVIIIe siècle comme sur la révolution ; des correspondances inattendues se produisent, et c’est ainsi que tout récemment encore, on le sait, la reine Marie-Antoinette elle-même, entre tant d’autres personnages de l’époque révolutionnaire, devenait l’héroïne d’une de ces révélations ou de ces restaurations qui, sans modifier essentiellement l’histoire, lui impriment du moins un cachet plus précis, plus familier et plus vivant. On disait bien qu’il y avait des lettres de la reine, et de temps à autre quelques-unes de ces lettres se glissaient dans des livres sur la révolution ou dans des recueils de documens historiques. Des éditeurs sont venus qui ont rassemblé tous ces fragmens épars, ceux qu’on connaissait avec d’autres qu’on ne connaissait point encore, et il en est résulté les curieuses, les attachantes publications de M. d’Hunolstein et de M. Feuillet de Conches. Ces lettres, recueillies un peu partout, dans des archives de famille et dans des archives publiques, ont frappé et devaient frapper l’attention ; elles mettaient de nouveau en lumière et la reine et le roi Louis XVI, et tout ce règne qui ressemble à un honnête et impuissant prologue de la révolution. Ce n’était là cependant encore que le commencement d’un épisode qui tend aujourd’hui à devenir singulier. Après les collections françaises en effet est survenue une autre publication faite à Vienne par le directeur des archives, M. le chevalier d’Arneth, et qui contient une correspondance toute nouvelle, toute différente, entre Marie-Antoinette et sa mère l’impératrice Marie-Thérèse[1]. Cette correspondance va de 1770 à 1780, c’est-à-dire de l’époque du mariage de la reine à la mort de l’impératrice. Elle se déroule à travers les mêmes événemens, les mêmes préoccupations, sans se rencontrer avec les lettres mises au jour en France. Il n’y a qu’une seule lettre

  1. Marie-Thérèse et Marie-Antoinette, par M. Alfred Ritter vori Arneth ; 1 vol. in-8o. Vienne et Paris, chez Ed. Jung-Treuttel, 19, rue de Lille, 1865.