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sur les finances de son pays. La crise financière dont souffre l’Espagne a un douloureux retentissement sur les intérêts français ; toutes les valeurs espagnoles sont frappées de discrédit, et malheureusement les capitalistes français qui ont avec tant de confiance commandité la construction des chemins de fer espagnols subissent, par l’effet de ce discrédit, des pertes énormes. Il eût été facile au maréchal O’Donnell de conjurer ce désastre, dans son précédent ministère, en accordant de justes et intelligentes réparations aux créanciers lésés de l’Espagne. Le mal s’est bien aggravé depuis ce temps-là ; mais, si le cabinet actuel s’efforçait d’y porter remède, le maréchal O’Donnell gagnerait à cette politique une grande considération en Europe et surtout en France.

E. FORCADE


REVUE LITTÉRAIRE.

POLÉMIQUES HISTORIQUES ET LIVRES NOUVEAUX.


Ce n’est point certes l’activité, ce n’est pas du moins l’apparence de l’activité qui manque dans le champ des lettres contemporaines, dans ce vaste champ qui semble prendre tous les jours une extension nouvelle, où fleurissent histoires et romans, poésies et découvertes d’érudition, œuvres originales et traductions, livres sérieux et livres frivoles. Ce qui manquerait bien plutôt, ce serait ce temps de repos où les esprits se recueillent et se renouvellent comme les forces de la nature se réparent et se retrempent dans des sommeils apparens. Pour l’esprit, il n’y a ni halte, ni saisons, ni sommeil d’hiver, ni repos d’été. La production intellectuelle est de tous les instans ; humble ou riche, la moisson retombe incessamment sur l’aire. Tous les jours des milliers de mains rédigent leur éternel placet pour cet être éternellement fuyant et insaisissable qui s’appelle la postérité et qui ne reçoit pas tout ce qu’on met à son adresse. Des multitudes d’intelligences connues ou inconnues sont obstinément à l’œuvre. Les uns fouillent l’histoire dans tous les sens et en font revivre les spectacles, les personnages, qu’ils éclairent de lumières nouvelles ; les autres se jouent dans l’invention, au risque de recommencer plus d’une fois les mêmes récits. Ceux-ci étudient la poésie et les arts dans leurs lois essentielles, dans la variété de leurs manifestations ; ceux-là observent et décrivent les mœurs, la vie sociale. Il en est qui mettent toute leur imagination et leur habileté à gonfler laborieusement des bulles de savon qui s’évanouissent presque aussitôt dans l’air. Tous sont à l’œuvre ; bien peu sans aucun doute atteignent victorieusement le but, et, tout compte fait, le domaine des lettres s’enrichit ou s’encombre de cet effort multiple, de cette production infatigable, des livres nouveaux qui se succèdent, sans parler des vieux livres qu’on remet au jour, des mémoires, des correspondances, des rela-