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deux districts électoraux de Londres, dans la Cité et à Westminster. Leurs deux candidats ont échoué dans la Cité, et ils ont été battus à Westminster. Westminster a élu John Stuart Mill ; nous nous étions trompé quand nous avions redouté qu’il n’y eût rivalité dans cette importante constituency entre la candidature patricienne, mais libérale, du capitaine Grosvenor et celle de M. Mill. Les deux comités libéraux, qui étaient peut-être un peu en défiance l’un de l’autre dans le principe, se sont mis d’accord dans l’action, et le véritable adversaire de M. Mill a été le candidat tory, M. Smith, un honnête et opulent négociant qui, au poll, est resté bien loin en arrière. La nomination de M. Mill par un district comme Westminster réjouira et réconfortera tout ce qu’il y a d’esprits libéraux en Europe. M. Mill a tenu à faire triompher avec lui un principe destiné à purifier les élections anglaises, le principe que les électeurs dans le choix de leurs représentans ne doivent être dirigés que par des considérations d’intérêt public et non par des vues d’intérêt local. C’est l’homme public et les idées générales dont il est la personnification que les électeurs, suivant M. Mill, doivent rechercher dans leur député. Le succès d’un tel principe suppose une éducation politique élevée chez les électeurs, et c’est en ce sens surtout qu’il fait honneur à ceux de Westminster. M. Mill a encore eu le mérite de ne vouloir contribuer en rien aux frais matériels de l’élection ; ce sont les électeurs eux-mêmes qui ont fait les fonds indispensables et qui ont assuré par leurs efforts personnels le triomphe de leur représentant. La victoire à ce point de vue est encore très remarquable ; on assure en effet que le candidat tory qui combattait M. Mill n’a pas dépensé moins de 200 ou 250,000 francs. Aussi, après le vote, les processions des partisans de M. Mill ont parcouru les rues de Westminster avec des drapeaux portant cette inscription : « l’idée a vaincu l’argent. » D’autres districts métropolitains se sont mis à l’unisson de Westminster en nommant des hommes d’opinions éprouvées et de talens distingués tels que M. Torrens et M. Hughes, le spirituel auteur d’un livre que la Revue a fait connaître à ses lecteurs, Tom Brown’s School Days. Il n’est pas possible assurément de tirer dès à présent l’horoscope de la chambre des communes qui va sortir des élections. La prétention aux prophéties serait d’autant plus téméraire que rarement dans des élections anglaises l’esprit de controverse politique a été plus contenu et plus réservé qu’il ne l’a été dans celles-ci. Pourtant sur deux points et dans des sens opposés a été poussé le cri de guerre au bruit duquel les partis sont destinés à se livrer de prochaines batailles. M. Bright, à Birmingham, a relevé la question de la réforme électorale dans un ample et mâle discours ; à Caine au contraire, M. Lowe, un libéral qui n’est pas réformiste et qui sera le plus vigoureux adversaire de M. Bright, a repris la thèse qu’il a soutenue, il y a quelques mois, à la chambre des communes contre une prétendue réforme qui ne ferait que soumettre l’intelligence indépendante a la brutale tyrannie du nombre. Un autre orateur éloquent, libéral aussi, mais comme M. Lowe