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crets ; mais le sens moral souffre, s’effraie, proteste à bon droit, quand il voit une certaine nature de corruption se révéler, s’afficher avec insolence comme la tendance dominante et entraînante d’une époque. L’influence d’un dérèglement moral sur le caractère d’une société et d’un temps ; voilà le mal dont on se sent humilié, et contre lequel il n’est point impossible de réagir. Ce mal, on ne peut le combattre qu’en donnant l’impulsion et l’exemple de très haut. Il y a évidemment des inspirations supérieures de la vie sociale qui sont capables de lutter contre le désordre moral, ou du moins de lui enlever son ostentation et sa gloriosité. Cette tonique élevée de la vie sociale, on ne peut la demander qu’à la politique et à l’éducation que donne à un pays l’exercice franc, complet, viril des libertés publiques. Qu’un peuple soit vraiment libre, l’émulation dominante s’y portera sur les services et les honneurs de la vie publique, le prestige y appartiendra à l’éclat du talent et à la générosité du caractère, et toutes les vanités du luxe immoral seront rejetées dans l’ombre, et ne porteront plus de dommage à la renommée d’une société et d’un temps. Si la corruption morale a fait un si mauvais renom au règne de Louis XV, ce n’est peut-être pas qu’il y eût plus de vices dans cette société que dans une autre : c’est que, la liberté politique étant absente, ce fut le vice élégant, brillant, somptueux qui donna le ton. Que ceux qui s’effarouchent de certains aspects de la France présente cherchent donc le remède où il est : ce qui a laissé le champ libre de nos jours au succès et à la manifestation insolente des vanités corruptrices, ce sont les éclipses de la liberté politique, ce sont les pertes qu’ont faites chez nous la dignité et la virilité sociale privées de l’excitation et du contrôle de la liberté : Les laideurs morales qui troublent M. Dupin dans la gaîté de sa vieillesse ne peuvent être combattues et remises à leur place que par le réveil de la vie politique. Il faut que la société française prenne de nouveau à cœur la noble ambition de se gouverner elle-même et de secouer les fragiles entraves par lesquelles ses libertés ont été momentanément paralysées. Voilà le refrain consolant que tout nous chante aujourd’hui. Le bon goût et les bonnes mœurs sont décidément parlementaires, et la morale, quoi qu’en puisse penser M. de Persigny, conclut comme les anciens partis.

On s’est mis ainsi, comme la session finissait, à traiter des matières à la fois graves et légères du ton enjoué que prennent naturellement des Français allant en vacances. Le sénat, dont l’attention est amenée sur tous les sujets par les rapports des pétitions, s’est égayé à propos de la médecine homœopathique. M. Dumas, M. Bonjean et M. Dupin, déjà nommé, ont lutté de facéties en dignes enfans de Molière. De la comédie médicale, le sénat est passé à la musique, et ce fut son dernier exercice. Une commission du sénat, dont les idées ont été exprimées avec une spirituelle précision par M. Mérimée, a proposé le rejet d’une loi votée par le corps législatif, sous prétexte que cette loi portait atteinte aux droits de la propriété, dont le