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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juillet 1865.

Nous entrons dans la saison riante et poétique de la France ; la politique fait place à la villégiature ; nous avons devant nous quelques mois d’idylle. Nous ne savons pourquoi la saison d’été en France nous ramène toujours aux couleurs et aux senteurs du XVIIIe siècle. La littérature française de ce temps-là n’a guère été pourtant bucolique, et il faut arriver à Rousseau pour trouver le goût et le sentiment de la nature ; mais la peinture et l’art du XVIIIe siècle ont été des interprètes plus fidèles des gaîtés champêtres de notre pays. Quelques beaux esprits, quelques poètes étrangers semblent aussi avoir mieux compris que nos pères la naturelle harmonie qui unit les grâces riantes de la belle saison française à la bonne humeur nationale. La poésie alors, même dans les pays romantiques, était un peu abstraite et généralisatrice. Cependant chaque été, quand finissent chez nous les tracasseries et les soucis de la saison politique, et quand les champs resplendissent, nous ne pouvons nous rappeler sans charme les beaux vers du bon Goldsmith dans son Traveller :

Gay sprightly land of mirth and social ease,
Pleased with thyseif, whom all the world can please,
How often I led thy sportive choir,
With tuneless pipe, beside the murmuring Loire.

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .

So bless’d a life those thoughtless realms display ;

Thus idly busy rolls their world away…

« Terre gaie et brillante de la joie et du bien-être social, — qui te plais à toi-même et à qui peut plaire tout le monde, — combien de fois j’ai conduit tes danses enjouées — avec ma flûte qui détonnait au bord de la Loire murmurante !………… Telle est la vie bénie que mènent ces insoucians royaumes ; — ainsi roule ce monde dans son oisiveté active. »