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Les nouveaux envoyés commençaient donc par sacrifier le vice-roi Hang, qui cependant avait déployé tant de zèle épistolaire. Hang n’avait pas su arrêter les alliés ; il n’était plus aux yeux de l’empereur qu’un fonctionnaire maladroit. Il fallait réparer ses fautes en promettant toutes les concessions imaginables ; mais, de leur côté, les ambassadeurs ne se souciaient plus d’accepter la paix qu’on venait maintenant leur offrir avec empressement. Ils craignaient, au contraire, que la cour de Pékin ne cédât sur tous les points avant que les troupes se fussent emparées des forts de Takou et de la ville de Tien-tsin, car il leur paraissait avec raison nécessaire que la leçon pour le gouvernement chinois fût complète. Comme les dépêches de Hang et des commissaires récemment désignés n’avaient pas dit un mot de l’ultimatum et qu’elles ne contenaient au fond que des protestations d’amitié, lord Elgin et le baron Gros purent décliner toute réouverture des négociations tant qu’il n’aurait pas été fait droit aux premières demandes. Ils répondirent par cette fin de non-recevoir ; mais en même temps, connaissant par expérience les excès de lâcheté dont les diplomates chinois sont capables et redoutant l’acceptation in extremis de l’ultimatum, ils prièrent les généraux alliés de presser autant que possible les opérations devant Takou.

Les défenses chinoises au Peï-ho comprenaient, sur chaque rive à l’embouchure, un fort énorme battant la mer et les approches des estacades qui avaient été disposées pour arrêter les navires ; en amont un second fort couvrant de feux le premier et enfilant la rivière, enfin un vaste camp retranché à la limite des lagunes et de la terre ferme. Cet ensemble d’ouvrages était vraiment formidable. On avait songé d’abord à traverser le fleuve pour commencer l’attaque par les forts de la rive droite, parce que la prise de ces forts, qui dominaient ceux de la rive gauche, devait entraîner la reddition de ces derniers ; mais il fallait construire un pont, travail difficile qui devait prendre plusieurs jours. On modifia donc les premières dispositions, et on résolut d’attaquer immédiatement les forts de la rive gauche. Le feu fut ouvert le 21 au matin, et l’assaut donné bientôt après. La garnison tartare déploya beaucoup d’activité et de courage ; elle continua à se défendre même après que la colonne française eut pénétré dans l’enceinte du fort : elle dut céder cependant à l’énergie de l’attaque et aux feux combinés des batteries de terre et des canonnières. A neuf heures, les alliés étaient maîtres de la position, à la suite d’une lutte acharnée dans laquelle ils eurent environ quatre cents hommes hors de combat. Restaient les autres ouvrages. D’après la résistance que l’on venait d’éprouver, on pouvait s’attendre à rencontrer des difficultés sérieuses ;