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« Le gouverneur-général, informé que le ministre anglais était en route pour venir échanger les traités, crut devoir envoyer à Peh-tang des officiers chargés de recevoir les communications officielles qui pourraient être faites. Dès que l’approche de navires fut signalée, il ordonna la retraite de la garnison de Peh-tang, afin que le ministre anglais fût entièrement libre de ses mouvemens et n’eût rien à craindre. Il ne savait pas alors si le ministre était, ou non, arrivé, et, ne recevant de lui aucune dépêche, il s’abstint de lui écrire. Sur ces entrefaites, il a appris par une lettre des Américains que le ministre anglais était arrivé depuis quelques jours, et il se disposait à se mettre en rapport avec lui, lorsque plusieurs milliers de soldats anglais sont débarqués, ont pris possession de Peh-tang, et le 3 août ont fait une sortie pour attaquer un poste chinois : repoussés par nos troupes, ils sont rentrés dans le village. Fort heureusement il n’y a eu de pertes ni d’un côté ni de l’autre.

« Sans doute le ministre anglais ne connaissait point cet incident. Il ne s’agissait probablement que d’un mouvement isolé, entrepris sans ordre par les soldats, car il est absurde de penser qu’il y ait pour les deux nations aucune nécessité de se faire la guerre.

« Le 5 août, le ministre anglais a envoyé un officier porteur d’un pavillon blanc sur lequel il était écrit : « Ne combattez pas » (terme d’armistice) !… Cette démarche a comblé de joie le gouverneur-général, qui compte que le ministre donnera à ses troupes les ordres les plus sévères pour ne point provoquer les hostilités, et qui de son côté engagera le général en chef des troupes chinoises à recommander à ses officiers et à ses soldats de ne se laisser entraîner par leur amour de la gloire à aucun acte qui puisse troubler la paix.

« S’il y a quelque sujet de discussion, le gouverneur-général prie le ministre anglais de s’entendre avec les Français pour que l’on puisse fixer le jour et le lieu d’une conférence. Il a reçu les instructions nécessaires pour traiter toutes les affaires avec le ministre anglais. Pour ce qui concerne l’armée, le général en chef est indépendant de son action. — Le gouverneur-général espère que le ministre répondra à cette communication, et il saisit l’occasion d’adresser ses meilleurs souhaits à son excellence. »


Lord Elgin s’empressa de répondre que le gouverneur-général se méprenait complètement sur la portée de l’incident qui avait motivé cette lettre. Quant aux offres de négociations, il se bornait à dire qu’il serait toujours prêt à examiner avec attention toute dépêche qui lui serait adressée par un commissaire impérial régulièrement accrédité, mais qu’en aucun cas il n’avait à se départir des conditions énoncées dans le dernier ultimatum.

Une fois engagé dans la voie des correspondances, le vice-roi ne paraissait point disposé à s’arrêter ; il devenait au contraire de plus en plus ardent et pressant à mesure que se développaient les opérations militaires, dont la gravité ne pouvait lui échapper. Le lendemain de l’occupation de Peh-tang, les alliés avaient fait une reconnaissance en dehors du village : c’était la marche du 3 août à