Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nement chinois les apparences d’une attitude conciliante ; mais cette communication indirecte, dont le général Ignatief avait accepté d’être l’organe, ne pouvait être suivie d’aucun effet. Quelques jours après, le 6 août, le ministre des États-Unis, M. Ward, se rendit auprès du baron Gros et de lord Elgin pour leur donner lecture d’une note qu’il venait de recevoir du vice-roi Hang, et qui était datée du 4. Hang exprimait l’étonnement qu’avait éprouvé l’empereur en apprenant le débarquement des alliés et l’occupation de Peh-tang. Il ajoutait que, dans sa magnanimité, l’empereur consentait à oublier ces faits, et que si avant trois jours les deux ambassadeurs voulaient se réunir à des mandarins qui allaient être nommés pour traiter avec eux, on pourrait éviter bien des malheurs. Les troupes alliées devraient alors retourner sur leurs navires et les ambassadeurs aller à Pékin pour y procéder à l’échange des ratifications des traités de Tien-tsin, pendant que de leur côté les forces chinoises campées dans les plaines de Peh-tang seraient internées, ce qui rétablirait la paix, et pour toujours. M. Ward était prié de bien faire comprendre aux deux ambassadeurs que leurs troupes, excellentes sur mer, ne pourraient lutter contre les innombrables armées impériales, qu’une seconde défaite, plus complète encore que la première, les attendait, si la lutte s’engageait. Comme conclusion, il leur était donné un délai de trois jours pour se soumettre aux conditions magnanimes de l’empereur : passé ce délai, les troupes impériales recevraient l’ordre d’agir. — Les termes de cette étrange proposition furent confirmés, plusieurs jours après, par le général Ignatief, qui, ainsi que M. Ward, était honoré des communications du vice-roi Hang et de ses mandarins.

Le vice-roi n’en était pas moins désireux d’entrer en relation directe avec les ambassadeurs ; mais il était et devait être fort embarrassé, car il n’avait pas été avisé officiellement de leur arrivée, et il eût paru contraire à sa dignité et à toutes les règles diplomatiques qu’il adressât le premier la parole à des personnages qui ne s’étaient point présentés à lui. Un petit incident vint le tirer d’embarras. Le contre-amiral Hope, en envoyant des embarcations prendre de l’eau près d’un campement de Tartares établi sur le rivage, avait chargé un interprète de faire connaître à l’officier qu’il ne s’agissait point là d’une opération de guerre, et que les Anglais n’attaqueraient point les Tartares, si ceux-ci de leur côté restaient tranquilles. Ce simple avis avait été transmis par une embarcation surmontée d’un pavillon blanc sur lequel étaient inscrits en chinois deux mots exprimant l’idée de trêve. C’en fut assez pour que le vice-roi se crût autorisé à s’adresser directement à lord Elgin, et le 6 août il lui écrivit la lettre suivante :