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maintenant échanger les ratifications, leur ministre, après s’être mis d’accord avec le vice-roi, à Shang-haï, sur les points en litige, peut se rendre à Peh-tang, où il sera fait pour lui ce qui a été fait pour le ministre des États-Unis. La réponse chinoise se terminait par un paragraphe ainsi conçu : « La dépêche du ministre anglais est écrite dans un langage trop insolent pour que le conseil croie devoir la discuter plus à fond. Qu’à l’avenir ce ministre soit plus respectueux. »

Évidemment le cabinet de Pékin croyait faire acte de profonde politique en essayant d’isoler la France de l’Angleterre. Sans être bien au courant de l’histoire européenne, il pouvait avoir appris que les deux nations, toujours rivales, sont souvent jalouses l’une de l’autre, et il se figurait probablement qu’il lui serait facile de les diviser. De là les termes relativement mesurés de sa réponse à M, de Bourboulon et le langage tout à fait arrogant de sa réponse à M. Bruce. Comment ne pas remarquer l’infatuation vraiment incroyable de ce gouvernement qui, après tant d’humiliations qui lui ont été infligées à diverses époques, après le traité de Nankin, après l’occupation de Canton, après les traités de Tien-tsin, s’avise encore de prendre ces airs dédaigneux et superbes avec une nation européenne ? Combien lui faudra-t-il de leçons pour qu’il apprenne et sa faiblesse et la force d’autrui ? Et, ajoutons-le incidemment, cette infatuation si obstinée ne fait-elle pas craindre que pour longtemps encore les relations de l’Europe avec la Chine ne demeurent exposées aux plus menaçantes éventualités ?

En réponse aux notifications qui venaient de leur être adressées au nom du cabinet de Pékin, les ministres de France et d’Angleterre ne pouvaient que mettre à exécution la menace qui terminait leurs ultimatums : ils signifièrent donc le 13 avril 1860 au gouverneur-général qu’ils avaient remis la suite de l’affaire entre les mains des chefs militaires, et le lendemain 14 ils tinrent à Shang-haï une conférence à laquelle assistaient les généraux de Montauban et Hope Grant, ainsi que le contre-amiral Page, afin d’arrêter les mesures à prendre. La conjoncture était assez délicate. Les instructions reçues de Londres prescrivaient à M. Bruce de commencer les hostilités par le blocus des côtes du nord, par l’arrestation des jonques chargées des approvisionnemens de riz pour la province du Pe-tchi-li, ainsi que par l’occupation d’une des îles Miatow. Or, à la suite d’une longue et minutieuse enquête, le ministre anglais avait reconnu d’une part que le gouvernement chinois avait pris les devans pour les achats de riz destinés à l’alimentation de Pékin, et que le blocus n’aurait plus à cet égard aucun effet, d’autre part que ce blocus, en ruinant le cabotage qui s’effectue sur la côte septentrio-