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avait promis de ne point insister sur l’exécution de la clause relative à la résidence permanente de la légation anglaise dans la capitale devait être désormais considéré comme nul et non avenu. Si l’empereur de Chine n’acceptait pas ces conditions, M. Bruce devait faire connaître que l’Angleterre aurait recours à la force des armes, et il pouvait commencer les hostilités en ordonnant la saisie des jonques chargées de grains qui approvisionnent les provinces du nord et la capitale et en occupant l’une des îles Miatow. Lord John Russell terminait ainsi cette dépêche :


« Par des motifs d’humanité, le gouvernement désirerait, si cela est possible, ne point se trouver dans la nécessité d’entreprendre une expédition militaire contre la capitale de l’empire chinois. Aussi apprendra-t-il avec satisfaction que les mesures ci-dessus indiquées auront eu pour effet d’amener l’empereur de Chine à adhérer aux conditions modérées qui lui seront proposées. — Il convient toutefois de se préparer à l’éventualité contraire, et le gouvernement prend ses dispositions pour l’envoi d’un corps d’armée considérable qui partirait du sud, lors du changement de mousson, s’il était nécessaire d’engager les opérations par terre. — Il me reste à ajouter que, dans la pensée du gouvernement, vous ne devez point vous regarder comme obligé par vos instructions à exiger une entrevue personnelle avec l’empereur. Il est essentiel que vos rapports avec les principaux dignitaires de l’empire soient réglés sur le pied de la plus parfaite égalité, et que vous refusiez de vous soumettre à aucune formalité humiliante, soit pour une audience de l’empereur, soit en toute autre occasion ; mais vous vous inspirerez de votre propre jugement et de l’exemple des autres ministres étrangers pour décider s’il y a lieu d’insister pour que l’empereur de Chine vous reçoive en audience… »


Ainsi, tout en se préparant à la guerre, le cabinet anglais conservait une espérance de paix. Ses prétentions et ses conditions étaient en réalité des plus modestes. Au point de vue de sa dignité, il ne pouvait demander moins : des excuses et l’exécution pure et simple du traité. Encore avait-il soin de transiger sur la question d’audience, qui pouvait blesser l’orgueil de l’empereur de Chine et provoquer des difficultés d’étiquette. Ce qu’il souhaitait par-dessus tout, c’était de n’avoir pas à entreprendre une seconde campagne et de n’être point obligé de s’ouvrir par les armes la route de Pékin. Ces espérances furent de peu de durée. Elles n’étaient point partagées par le gouvernement français, qui dès la première heure avait mieux jugé la situation, et qui considérait la guerre comme inévitable. Elles furent complètement détruites par les dépêches successives de M. Bruce, qui rendait compte par chaque courrier de l’état des choses et de l’attitude des mandarins. Le cabinet de Londres se mit donc d’accord avec celui de Paris pour organiser l’expé-