si ingénieusement ourdis. La mission d’Isidore n’était pas encore terminée, quand Théophile changea brusquement de drapeau : origéniste déclaré et persécuteur, il se trouva sans transition aucune anti-origéniste plus déclaré encore et plus persécuteur. Ces sortes d’évolutions soudaines étonnaient moins en Orient qu’en Occident, soit à cause de l’esprit d’intrigue qui travaillait l’église orientale sur une plus grande échelle, soit à cause de la mobilité des caractères. Le patriarche d’Alexandrie avait-il reconnu, par une illumination spontanée de la conscience, qu’Origène, très bon, très utile entre les mains des savans, offrait un vrai danger pour les ignorans, que les besoins de l’âme ne sont pas les mêmes pour tous les esprits, et qu’un pasteur clairvoyant écarte du sentier des simples la pierre d’achoppement qu’éviterait le philosophe ou le théologien ? Peut-être ; mais à côté de ce motif respectable l’histoire nous en révèle d’autres qui le sont moins. Théophile n’avait pas vu sans une profonde jalousie s’élever au-dessus de toutes les gloires de l’Orient celle du prêtre d’Antioche, qui, sous le nom de Jean Chrysostome ou Bouche-d’Or, devait bientôt monter au siège épiscopal de Constantinople, désigné par le vœu public et appelé par l’empereur. En examinant avec l’œil perçant de la haine les œuvres de cette nouvelle idole de la Syrie et ses titres à une si prodigieuse fortune, Théophile constata que ses livres contenaient des traces d’origénisme, traces innocentes, il est vrai, et qui n’altéraient en rien l’orthodoxie de Chrysostome ; mais celui-ci prêtait le flanc aux accusations en professant pour le grand docteur alexandrin une estime qu’il eût rougi de dissimuler. Théophile, qui tenait déjà les fils d’une intrigue ténébreuse ourdie contre son élection au sein de la ville, impériale, vit là une arme propre à ruiner ce rival et une occasion de jouer lui-même un rôle. Il changea donc de thèse, et, abjurant son rôle de protecteur de l’origénisme, il s’en déclara l’adversaire implacable.
Sa résolution ainsi prise, il se hâta de frapper un coup qui attirât ils regards, et choisit pour victimes, dans le diocèse d’Héliopolis-la-Petite, trois ou quatre de ces abbés de Nitrie dont il favorisait naguère et encourageait l’origénisme. Il leur enjoignit, sous peine d’anathème, de rejeter de leur couvent les livres d’Origène et de renier ses doctrines. Ceux-ci résistèrent ; Théophile les excommunia et les chassa de leurs couvens ; puis, comme la population monastique de la ville des saints commençait à s’agiter, le préfet d’Égypte exila les excommuniés en Palestine. Le patriarche, à qui le bruit convenait, y poursuivit ces malheureux, armant contre eux tout ce qu’il y avait d’hommes importans contraires aux doctrines d’origénistes. Épiphane et Jérôme figuraient au premier rang ; ils reçurent du patriarche des lettres de congratulation sur leur foi en