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d’elle ; d’autre part, la sensation lumineuse elle-même, qui n’est rien en dehors du sujet sentant. Or, si l’on en croit les physiciens, cette cause extérieure des phénomènes lumineux, ce quelque chose qui subsiste dans l’absence de tout sujet sentant et de toute sensation actuelle, paraît n’être qu’un mouvement vibratoire d’un milieu élastique conjectural appelé éther. On a donc raison de dire que la lumière prise en soi est un mouvement ; mais, prise en soi, elle n’a rien de semblable à ce que nous appelons lumière, et tant qu’elle n’a pas rencontré un sujet sentant, elle n’est rigoureusement qu’un mouvement et pas autre chose. Jusqu’ici point de transformation.

Maintenant les vibrations de l’éther arrivent jusqu’à l’œil, et par le moyen du nerf optique elles déterminent une action inconnue, à la suite de laquelle a lieu la sensation de lumière. Ce que nous appelons lumière nécessite donc la rencontre d’un objet sensible et d’un sujet sentant. Avant l’apparition du premier animal doué de vision, il n’y avait point de lumière, et c’est seulement alors que l’on a pu dire que la lumière fut. Ainsi cette lumière sentie est toute subjective ; elle n’existe que par le sujet sentant et en lui ; elle est déjà une sensation consciente — et — à quelque degré — une idée. La lumière sensation est donc profondément différente de la lumière objet ; la seconde est hors de nous, la première est en nous ; la seconde est une propriété parfaitement déterminée de la matière, la première est une affection du moi. — Mais, dira-t-on, la sensation de lumière est au moins un phénomène nerveux, un phénomène cérébral. Je réponds : Ne voyez-vous pas que c’est précisément ce qui est en question ? Sans doute il se passe quelque chose dans les nerfs et dans le cerveau, et ce quelque chose peut être supposé analogue aux vibrations extérieures de l’éther ; mais ce mouvement, quel qu’il soit, n’est pas encore la lumière : il ne la devient que lorsque le moi est apparu et avec lui la sensation consciente. Comment se fait ce passage ? C’est ce que nous ne savons pas ; c’est précisément le passage du matériel à l’immatériel qu’il s’agit d’expliquer. On a bien raison d’assimiler le rapport des vibrations du cerveau à la pensée et celui des vibrations de l’éther à la sensation lumineuse, car c’est une seule et même chose, la sensation étant déjà une pensée.

Le second argument dont on se sert pour prouver que le mouvement peut se convertir en pensée se tire de la transformation de la chaleur en mouvement et du mouvement en chaleur. Si le mouvement, dit-on, peut se convertir en chaleur (phénomène si différent du mouvement), pourquoi ne se convertirait-il pas en pensée ? Cette objection est du même genre que la précédente. Une certaine cause