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la machine, en démonter tous les ressorts, en démontrer les mouvemens, et qui nous fait comprendre comment ces mouvemens sont appropriés au genre d’action qu’elle doit produire. La vraie science du cerveau devrait donc comprendre, outre la description anatomique de cet organe, une analyse de ses opérations et nous faire voir comment ces opérations sont liées au résultat final, qui est la pensée. Il est inutile de dire que cette partie de la science est non-seulement dans l’enfance, mais que même elle n’existe absolument pas.

Deux hypothèses célèbres ont été proposées pour expliquer les fonctions cérébrales, l’hypothèse des esprits animaux et l’hypothèse des fibres vibratoires. La première, qui date de l’antiquité, a été rendue célèbre par Descartes et par son école ; la seconde aurait été introduite par le docteur Briggs, professeur d’anatomie de Newton. D’autres enfin, Newton lui-même, Hartley et Bonnet, paraissent avoir combiné les deux hypothèses en substituant aux esprits animaux un fluide plus général, qui a obtenu de plus en plus de crédit dans la science moderne, l’éther.

L’hypothèse des esprits animaux consistait à supposer que les nerfs sont de petits tubes creux, remplis d’une sorte de vapeur composée des parties les plus subtiles du sang et sécrétée par le cerveau : ce sont de petits corpuscules ronds qui, par leur extrême ténuité, échappent aux sens, et par leur extrême mobilité sont susceptibles des situations les plus variées. Descartes et Malebranche se servaient de ces corpuscules ou esprits pour expliquer non-seulement les mouvemens musculaires, ce qui se comprendrait aisément, mais la mémoire, l’imagination, les passions. On a opposé à cette hypothèse qu’elle est démentie par l’observation, qui n’a jamais réussi à découvrir la structure tubulaire des nerfs. Cette objection n’est pas très démonstrative, car, outre que beaucoup de savans physiologistes soutiennent aujourd’hui que les nerfs sont creux, cela importe assez médiocrement ; si on considère en effet les esprits animaux comme un fluide analogue aux fluides impondérables, ils n’auraient guère besoin, pour traverser les nerfs, d’un tube visible à nos sens, la lumière et la chaleur traversant des corps qui nous paraissent parfaitement pleins. Les esprits animaux, ressuscites de nos jours sous le nom de fluide nerveux, n’ont donc rien d’inadmissible. Quant à la théorie vibratoire, on a objecté que les fibres du cerveau, étant molles et humides, ne sont pas susceptibles de ce genre de mouvement, qui suppose une certaine tension. Cette objection est très forte contre le système du docteur Briggs, qui supposait que les fibres cérébrales, semblables aux cordes d’un instrument, ont des vibrations différentes selon la