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cependant que les parties antérieures du cerveau ont plus de dignité que les parties postérieures, ce qui indique évidemment quelque différence dans le rôle de ces parties. De plus il admet dans le cerveau des départemens distincts, non pour l’intelligence, mais pour les sensations, les nerfs olfactifs, gustatifs, optiques aboutissant à des parties différentes du cerveau. Or de la prédominance de tel ou tel système sensitif peuvent résulter évidemment de grandes différences dans les instincts et les habitudes de l’animal. Même chez l’homme, certains talens très circonscrits et très déterminés pourraient encore s’expliquer dans cette hypothèse, et l’on reviendrait ainsi par un chemin détourné à une doctrine qui ne serait pas très éloignée de celle de Gall. Si l’on analyse toutefois les faits précédens ; on verra qu’ils établiraient seulement des sièges différens soit pour la sensibilité, soit pour le mouvement, mais que jusqu’ici l’on n’a rien trouvé qui ressemble à une décomposition de l’intelligence[1] ni même des facultés affectives. La question est donc toujours en suspens, ou, pour mieux parler, l’unité du cerveau comme organe d’intelligence et de sentiment peut être considérée comme le fait le plus vraisemblable dans l’état actuel de la science.


III

Jusqu’ici, nous ne nous sommes occupé que des rapports extrinsèques de la pensée et du cerveau. En effet, que la masse, le poids absolu ou relatif, les lésions matérielles, les développemens anormaux, puissent correspondre à un certain degré d’intelligence, ce sont là des relations tout empiriques qui ne disent rien à l’esprit, de simples rapports de coïncidence et de juxtaposition qui laissent parfaitement obscure la question des vrais rapports, des rapports intrinsèques et essentiels du cerveau et de la pensée. Prétendrait-on connaître la nature ou l’action d’une locomotive, parce qu’on saurait que, pour transporter une somme donnée de voyageurs, elle doit avoir tel poids déterminé, ou parce qu’on saurait encore qu’étant brisée, elle devient incapable de faire son service ? Non, sans doute ; le bon mécanicien est celui qui sait décomposer

  1. Le fait le plus important, s’il était bien établi, serait la localisation de la faculté du langage dans les lobes antérieurs du cerveau ; mais là encore je ne vois guère qu’un phénomène de motilité. Dans la plupart des cas cités en effet, les malades, en perdant la faculté d’articuler des sons, ne perdent pas pour cela la faculté de comprendre la parole des autres, ni même de s’exprimer par gestes. Le sens du langage n’est donc pas radicalement, détruit. Il résulterait seulement de là qu’il y a une sorte de mutisme cérébral, comme il y a une cécité cérébrale ; mais le mutisme, à proprement parler, n’est pas un phénomène d’intelligence, quoiqu’il ait des effets sur l’intelligence.