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sont peu conformes à celles que la nature nous offre. » Je laisse à décider aux anatomistes si M. Vimont a su lui-même éviter les erreurs qu’il reproche à ses confrères. Toujours est-il que les fondateurs de la secte avaient des connaissances bien peu positives.

La seconde faute des phrénologues est d’avoir compliqué leur hypothèse physiologique de ce qu’ils appelaient la crânioscopie, qui consistait, comme on sait, à reconnaître et à mesurer les facultés de l’âme par l’inspection extérieure du crâne. Suivant eux, les circonvolutions du cerveau, siège des facultés intellectuelles et morales, se manifestaient extérieurement par des protubérances, vulgairement appelées bosses, qui servaient à juger de l’intérieur par l’extérieur. Cette méthode n’avait pour but que de séduire la multitude par la prétention d’une soi-disant révélation des caractères. En suivant cette voie, les phrénologues se sont mis à lutter avec les chiromanciens et les diseurs de bonne aventure, et s’ils entraînaient par là la superstition, toujours avide d’extraordinaire et d’inconnu, c’était au détriment de la vraie science. Les anatomistes en effet nous apprennent que le crâne ne se moule pas sur les circonvolutions cérébrales ; il ne les représente, nous dit M. Flourens, que par sa face interne, et non par sa face externe. Souvent même la forme du cerveau n’est pas la même que la forme du crâne. M. Lélut en donne pour exemple le blaireau, le renard et le chien, qui diffèrent beaucoup par la forme de leurs crânes, mais chez lesquels le cerveau est à peu de chose près identique.

Si des crânes nous passons au cerveau, la difficulté est d’y déterminer avec précision des organes vraiment distincts. Sans doute l’encéphale, comme nous l’avons vu, est un organe complexe, et c’est là qu’on pourra, avec le plus de succès, établir certaines localisations ; mais si l’on se borne aux hémisphères cérébraux, ils semblent bien être un seul et même organe, ou du moins un double organe homogène, semblable aux deux poumons, aux deux yeux, etc. Quant à décomposer anatomiquement les hémisphères par le moyen îles circonvolutions, rien de plus difficile et de moins précis. Ces circonvolutions en effet se continuent les unes les autres comme les plissemens d’une étoffe, et ne se séparent point rigoureusement : il n’y a en réalité qu’une surface unie, qui, pour se caser plus aisément dans une boîte fermée, qui est le crâne, se replie sur elle-même et paraît se diviser en se rassemblant[1]. Aussi les anatomistes qui, avec Desmoulins, voyaient dans le développement des

  1. Il faut remarquer toutefois que les plissemens ne se font pas d’une manière arbitraire, et que les circonvolutions ont des places fixes et déterminées, ce qui a permis de les désigner par des chiffres ; mais cela ne détruit pas ce que nous venons de dire de la continuité et de l’homogénéité de l’organe cérébral.