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et sans prendre des rapports tout subjectifs pour des rapports réels. Dans la folie au contraire, les idées s’entraînent l’une l’autre sans que nous y puissions rien, et sans que nous ayons la conscience de cet entraînement. Il s’établit ainsi des associations fatales et étranges où le moi n’est plus pour rien.

Non-seulement c’est dans la psychologie que les médecins cherchent la définition de la folie. C’est encore à elle qu’ils empruntent le principe de leurs classifications. Si la folie se manifestait par des signes organiques constans et certains, pourquoi ne se serviraient-ils pas de la différence de ces signes pour établir la division des différentes espèces de folies ? Ce n’est point ainsi qu’ils procèdent. Je prends pour exemple la classification célèbre d’Esquirol, très contestée sans doute, mais non remplacée. Esquirol reconnaît quatre espèces de folies : la monomanie ou délire partiel avec prédominance de gaîté, la mélancolie ou délire partiel avec prédominance de tristesse, la manie ou délire général avec excitation, la démence ou délire général avec dépression de toutes les facultés. Il saute aux yeux que les différences qui distinguent ces quatre types sont toutes psychologiques et non physiologiques. Depuis, beaucoup d’essais de classification ont été proposés. Celle de M. Baillarger est la plus rapprochée de la classification d’Esquirol ; il se contente de transporter la mélancolie dans la classe des délires généraux, et il fait rentrer dans la monomanie toutes les formes du délire partiel, accompagnées non-seulement de gaîté, mais d’excitation, d’exaltation et même de violence. Je crois ces corrections excellentes, mais elles sont dues à une observation psychologique plus exacte, et ne découlent ni de la physiologie, ni de la pathologie. M. Delasiauve présente à son tour un autre système : il distingue deux grandes classes de folies, les folies affectives et les folies intellectuelles, et il pense qu’il peut y avoir autant d’aberrations particulières qu’il y a de facultés normales. Dans cette doctrine, la psychologie morbide ne serait que la contre-partie et la contre-épreuve de la psychologie normale. C’est là un très bon principe, mais qui confirme entièrement ce que nous cherchons à établir. Enfin M. Guislain, l’Esquirol de la Belgique, dans son ouvrage sur les phrénopathies, aussi remarquable par la finesse de l’observation que par la circonspection du jugement, par la richesse des descriptions et des analyses que par la clarté et l’élégance du langage, a inventé un système de classification très savant et très compliqué, dont le point de départ est emprunté à l’observation psychologique de l’état normal. Il y découvre six types principaux, tristesse, stupéfaction, colère, singularité, erreur, nullité, d’où il déduit six forme, simples d’aliénation mentale : mélancolie, extase, manie, folie, délire,