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des symptômes coïncidant avec la constance des lésions[1] ? » Si tels sont les résultats de la pathologie cérébrale en général, quels sont ceux de la pathologie mentale en particulier ? Consultons l’une des plus grandes autorités de notre époque dans ce genre de recherches, Esquirol ; il nous apprendra qu’il faut bien distinguer la folie de toutes les affections nerveuses qui la compliquent et qui la masquent, telles que la paralysie, les convulsions, l’épilepsie. — Or, nous dit-il, les lésions organiques de l’encéphale et de ses enveloppes ne sont en général observées que dans les cas de complication. — Il nous apprend en outre que toutes les lésions organiques observées chez les aliénés se retrouvent souvent dans les cadavres d’individus qui n’avaient point perdu l’usage de la raison. Bien plus, dans un grand nombre de cas, le cerveau des aliénés ne présente aucune altération appréciable, quoique la folie ait duré un grand nombre d’années. Enfin comment expliquer les guérisons subites et instantanées de la folie, si elle se rattache toujours à quelque lésion ? Une lésion ne se guérit pas instantanément[2]. Un autre médecin célèbre, Georget, quoique très organicien, confirme l’opinion d’Esquirol ; il insiste sur ce point important, que les altérations ne se rencontrent que dans des folies déjà anciennes, et que, lorsque les aliénés succombent promptement, les organes intellectuels ne présentent rien de bien remarquable et qui ne puisse se retrouver également chez les hommes de l’esprit le plus sain[3]. Pinel, dans son Traité de la manie, s’exprime de la même manière[4].

Parmi les médecins qui ont étudié plus récemment les maladies mentales, MM. Lélut[5] et Leuret se sont surtout signalés par leur lutte contre l’organicisme exclusif qui veut toujours rattacher la folie à quelque lésion visible et palpable du cerveau. Le premier nous dit que, sur vingt cas de manie aiguë observés par lui, il en a trouvé dix-sept au moins n’offrant aucune altération appréciable. Dans la manie chronique, il a fait la même observation pour la moitié des cas. Quant à M. Leuret, on peut lire dans son ouvrage sur le Traitement moral de la folie la critique vraiment scientifique à laquelle il soumet tous les résultats pathologiques donnés par la science. La conclusion de cette critique, conforme à l’opinion d’Esquirol et de Georget, c’est que les altérations des organes cérébraux

  1. M. Jules Falret, Séméiologie des affections cérébrales (Archives de médecine, octobre 1860).
  2. Esquirol, Maladies mentales, chap. Ier, p. 110.
  3. Georget, De la Folie, ch. VI, § 14
  4. Pinel, De la Manie, sect. III, § 15.
  5. Inductions sur les altérations de l’encéphale dans la folie.