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nales sont ordinairement larges, et l’on y rencontre de petites plaines où les cours d’eau n’ont qu’une pente peu rapide.

La topographie de la chaîne alléghanienne mérite d’autant plus d’exciter l’intérêt que cette région montagneuse a joué dans la guerre un rôle des plus importans. Le fleuve du Potomac suit dans sa partie supérieure les profondes coupures des combes de la Virginie occidentale ; à Harper’s-Ferry, il se mêle aux eaux de la Shenandoah, qui descendent d’une belle vallée longitudinale large et fertile. Cette intéressante région est comme enfermée entre deux longs murs parallèles : à l’ouest s’élèvent de hautes chaînes où n’entre aucun chemin de fer et où une armée considérable ne peut s’engager ; à l’est court la chaîne basse des Montagnes-Bleues, dernier contre-fort du massif de l’Alleghany. Au-delà s’étendent les grandes plaines boisées de la Virginie occidentale, qui pendant quatre ans ont servi de champ de bataille aux armées principales du nord et du sud. Sur quelques points, le mur qui sépare ces plaines de la vallée de la Shenandoah est interrompu ; plusieurs combes (les Américains se servent du mot gap, qui littéralement veut dire bâillement) sont comme autant de portes naturelles par où l’on peut jeter des troupes dans la grande vallée. Masquée par le rideau des Montagnes-Bleues, une armée peut rapidement se porter sur le Potomac, inquiéter à son gré les derrières des corps placés entre ce fleuve et Richmond, ou, franchissant les gués du Haut-Potomac, se jeter dans le Maryland et la Pensylvanie. La grande vallée (c’est le nom qui désigne ordinairement la vallée de la Shenandoah) était la route favorite de ce général Jackson qui a joué un si grand rôle pendant les deux premières campagnes de Virginie. Au printemps de 1862, lorsque le général Mac-Clellan menaçait Richmond, Jackson, profitant de ce que Banks, laissé dans la vallée avec quelques milliers d’hommes, s’amusait à y fortifier Strasbourg, se jeta hardiment dans le gap de Front-Royal. Banks, menacé d’être coupé, se replia précipitamment sur Winchester, où Jackson arriva en même temps que lui et d’où il le délogea. Ce mouvement jeta l’alarme dans Washington : toutes les troupes dont on pouvait encore disposer furent opposées à Jackson, qui les battit en détail. Le général Mac-Clellan, ne recevant point les renforts sur lesquels il comptait pour le tirer d’une situation déjà difficile, donna le signal de la retraite, et le fruit de plus d’une année d’efforts se trouva perdu. Deux fois l’armée du sud, descendant par la grande vallée, a pu inquiéter la capitale de l’Union au moment même où Richmond semblait le plus menacé, et ces retours agressifs n’ont été arrêtés la première fois qu’à Antietam, la seconde fois qu’à Gettysburg, Placée au confluent