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Californie de se détacher de l’Union, et qui a obtenu de cet état jusqu’à 300,000 dollars pour les commissions sanitaires de Washington.et de Saint-Louis, était de Boston. M. Elliott, ministre unitaire de Saint-Louis, qui, avec un ancien propriétaire d’esclaves du Tennessee, M. Yeatman, était l’âme de la commission de Saint-Louis, venait également de la Nouvelle-Angleterre. J’ai vu l’une de ses nièces, qui était arrivée à Saint-Louis pour apprendre l’alphabet à des enfans nègres, passer, à l’âge de vingt ans, toutes ses journées sur les bancs d’une école. Un démocrate s’écriait un jour devant moi avec colère : « La guerre actuelle, c’est la conquête de l’Amérique par le Massachusetts. » Il avait raison, mais cette conquête n’est pas celle de l’épée.

Quand je quittai le Missouri, tout y était confus et incertain ; mais peu de temps après mon départ le général Price fut battu par les rudes milices du Kansas, soutenues par quelques troupes fédérales et par la cavalerie de Stoneman. Au premier échec, l’armée d’invasion, démoralisée par ses propres excès, se fondit en quelque sorte : le général Price n’en ramena que quelques débris dans les. solitudes de l’intérieur du continent. Son deuxième appel aux populations du Missouri avait été aussi vain que le premier. Il était venu, disait-il dans ses proclamations, les soustraire à la tyrannie de M, Lincoln et leur donner pour la dernière fois l’occasion de se soulever contre le gouvernement de Washington ; mais il n’avait trouvé d’autres recrues que des pillards et des bandits. Le général Rosencranz, malgré la faiblesse qu’il avait montrée, conserva encore son commandement jusqu’à l’élection présidentielle du 4 novembre, après quoi il lui fut retiré. Le Missouri donna ses voix à M. Lincoln ; du même coup les électeurs choisirent dans la fraction la plus radicale du parti républicain leur gouverneur, les membres d’une nouvelle législature et ceux d’une convention chargée de refaire la constitution de l’état. Les terribles leçons de la guerre civile n’avaient pas été perdues pour les habitans de cette malheureuse province, ravagée en tous sens et deux fois condamnée à toutes les horreurs de l’invasion. La nouvelle convention commença vaillamment son œuvre : elle ne voulut pas laisser vivre un jour de plus la fatale institution, considérée à bon droit comme la cause de la guerre civile, et on effaça de la nouvelle charte politique tout ce qui pouvait la rappeler.


II.

Le Missouri m’avait montré dans toute leur âpreté les passions politiques qui avaient compromis la cause de l’Union. Dans les états