quoi il menaça de mettre le feu à la maison. Mme Lewis envoya chercher son mari. Elle avait à ce moment chez elle Mme Clark, mère du général confédéré Clark, et M. Yorth, beau-frère du général Price ; mais Anderson ne voulut point écouter leurs supplications. Quand M. Lewis parut, Anderson lui dit : « J’ai entendu parler de vous ; vous avez fait plus de mal à notre cause qu’aucun autre homme dans cet état. » Là-dessus, il lui demanda tout ce qu’il avait d’argent. M. Lewis apporta environ 1,000 dollars, ajoutant que c’était tout ce qui lui restait ; mais Anderson ne se déclara point satisfait. Resté seul avec M. Lewis (Mme Lewis était sortie avec Mme Clark et M. Yorth, pour chercher de l’argent chez ses voisins et ses amis), il frappa le vieillard à la tête avec la crosse de son pistolet, le renversa, et continua de le frapper à terre avec l’aide de son compagnon. Ils mirent l’un après l’autre le canon de leur revolver dans sa bouche en le menaçant de lâcher la détente. Anderson lui ordonna ensuite de se relever, et continua de le menacer avec son pistolet. Quatre heures se passèrent ainsi pendant lesquelles le malheureux vieillard resta exposé à la furie d’Anderson. A deux heures du matin, une cousine de M. Lewis arriva et demanda au capitaine qui accompagnait Anderson combien il faudrait donner pour obtenir sa délivrance. Anderson exigea 6,000 dollars : ils lui furent comptés, 5,000 en papier et 1,000 en or. Alors seulement le bandit consentit à se retirer. Quelques jours après, M. Lewis se réfugiait à Saint-Louis ; son état était encore déplorable : il était couvert de contusions, et l’anxiété qu’il avait éprouvée lorsque, quatre heures durant, il avait été menacé de mort avait profondément ébranlé sa santé.
On m’avait donné pour compagnon de cabine un jeune fermier du Kansas qui conduisait son neveu, un enfant de dix ans, à Saint-Louis. Il lisait assidûment la Démocratie en Amérique de M. de Tocqueville dans la traduction anglaise. L’exemplaire portait la marque de là « bibliothèque publique de Leavenworth. » Sa conversation m’intéressa vivement. Depuis dix ans établi au Kansas, il avait vu fonder et s’agrandir Leavenworth, qui a aujourd’hui 20,000 habitans, Lawrence et Atchison, qui n’en ont encore que 3,000. Ces trois villes sont les plus importantes du Kansas, où la population est surtout disséminée dans des fermes et de petits villages. Il n’est pas une province où l’amour de l’Union soit plus énergique et plus passionné. Le Kansas a connu la guerre civile avant qu’elle éclatât dans le reste du pays. Là s’alluma l’étincelle qui depuis a tout embrasé. Le souvenir de John Brown y est encore vivant, et la figure héroïque de ce rude fermier qui faisait la guerre avec ses fils à la façon des Macchabées est déjà comme