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quand ils ne purent plus douter que l’esclavage ne survivrait pas à la guerre civile. Le sentiment unioniste n’avait jamais été tout à fait pur dans le Missouri : chez beaucoup d’habitans, il était resté subordonné à leur attachement invétéré à l’institution servile. Plus cette institution fatale semblait près de la ruine, plus obstinés étaient les efforts de ceux qui voulaient encore la sauver. Quelque temps avant l’élection présidentielle de 1864, et pendant que les partisans et les ennemis de l’esclavage étaient partout aux prises, le général Price annonça d’avance qu’il allait envahir de nouveau le Missouri : il acheva tranquillement ses préparatifs, fit des enrôlemens dans les comtés méridionaux de l’état, et sa troupe atteignit bientôt le chiffre de vingt mille hommes. La conscription, l’enrôlement des noirs dans les armées de la république, la politique émancipatrice, la longue interruption du commerce du Mississipi, avaient contribué à augmenter le nombre des mécontens, qui n’attendaient qu’un chef pour se déclarer en faveur de la sécession. Le général Rosencranz commandait à Saint-Louis, mais pendant longtemps il ne fit point mine de vouloir gêner les mouvemens de Price. Son inaction permit à la cavalerie rebelle de se montrer à Hermann, à très petite distance de Saint-Louis, sur le chemin de fer du Pacifique, et à Pilot-Knob, qui est également très rapproché de cette ville. Le gouvernement avait envoyé Rosencranz à Saint-Louis, bien qu’il eût commis quelques fautes militaires dans le Tennessee : on l’avait choisi en qualité de catholique, pour donner une sorte de gage à ses coreligionnaires allemands de Saint-Louis. Pendant les premières campagnes de la guerre, il avait acquis une grande réputation ; les correspondans des journaux s’étaient plu à le représenter comme une sorte de héros chrétien, passant de la prière au combat et du combat à la prière ; mais à Saint-Louis comme dans le Tennessee Rosencranz se montra inférieur à sa tâche. Il permit à Price de traverser à l’aise tout le Missouri : au moment où j’étais à Quincy, le général confédéré avait fait couper les ponts du chemin de fer du Pacifique et dispersé les ouvriers occupés aux travaux de cette ligne, appelée à un si grand avenir et aujourd’hui déjà terminée jusqu’à Warrensburg. Ses maraudeurs paraissaient fréquemment sur le chemin de fer d’Hannibal à Saint-Joseph, qui va de la vallée mississipienne à celle du Missouri. Pendant que Price se dirigeait dans la direction du Kansas pour aller frapper un grand coup parmi la population de ce jeune état, tout dévoué à l’Union, des chefs de partisans opéraient autour de lui, notamment deux bandits nommés Bill Anderson et Quantrell, ce dernier déjà célèbre pour avoir l’année précédente surpris la ville de Lawrence dans le Kansas, et pour y avoir fait massacrer deux cents personnes dés-