Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poléon III avait toujours été disposé à montrer de grands égards pour les sentimens et les aspirations des nationalités, qu’il éprouverait par conséquent de la répugnance pour tout moyen qui l’obligerait à s’opposer par les armes aux vœux des Allemands, et que par ces raisons il ne pouvait prendre aucun engagement au sujet du Danemark… « Je n’ai pas interrompu la communication de l’ambassadeur ni débattu avec lui la substance de la dépêche, écrit le principal secrétaire d’état en informant lord Cowley de cette communication du cabinet des Tuileries. Je me suis borné à tâcher de préciser bien clairement la position prise par le gouvernement français… »

Dès lors les événemens se précipitèrent avec une rapidité fatale. Le cabinet de Saint-James eut beau démontrer à l’Autriche et à la Prusse (18 janvier) toute l’injustice de leur demande d’un gage matériel, leur rappeler même « que l’occupation des principautés danubiennes comme gage matériel par la Russie était devenue la cause directe de la guerre de Crimée. » De son côté, le cabinet de Copenhague eut beau faire la concession la plus extrême et annoncer que, puisque M. de Bismark voulait bien le permettre, il allait convoquer immédiatement le rigsraad pour procéder à l’abrogation de la loi fondamentale du pays (21 janvier). Le gouvernement de Copenhague ne demandait plus que six semaines de délai pour satisfaire à toutes les exigences de l’Allemagne : ce temps lui était indispensable pour effectuer légalement une pareille révolution à l’intérieur, pour accomplir le « suicide » par-devant notaire… L’Angleterre et cette fois aussi la France et la Russie appuyèrent la demande » qui fut rejetée par les deux cours allemandes (23 janvier). Elles rejetèrent également la proposition de lord Russell (26 janvier) de signer un protocole à Londres par lequel les puissances non germaniques « assureraient » à l’Allemagne le retrait de la constitution de novembre, — et le 1er  février le général Wrangel passait l’Eider. La guerre était commencée.

Une seule pensée consolait le cabinet britannique dans ces tristes temps et à la veille même de la guerre : c’est que les deux puissances allemandes avaient constamment déclaré vouloir maintenir le traité de Londres. En d’autres termes, elles prétendaient respecter l’intégrité de la monarchie danoise, tout en envahissant ses provinces, en écrasant ses armées et en « réservant » la question de succession. La thèse était quelque peu contradictoire, c’était un problème ou plutôt un mystère presque religieux ; mais, comme tout grand mystère religieux, il constituait le fondement même de la foi,… de la foi du moins que lord Russell n’avait cessé d’affirmer dans le cours de toute la négociation, — animosa firmat