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lés, et que peu de place était maintenant laissé à la réflexion, à la sagesse et à la modération… » Le 13 janvier cependant, le ministre britannique n’en était déjà plus qu’à demander un délai, un simple délai « de quinze ou même de dix jours, » pour que le Danemark pût convoquer le rigsraad et retirer la constitution, — et il ne craignit pas d’ajouter, dans cette note destinée à Vienne et à Berlin, que si ce délai accordé ne devait point aboutir, « l’Autriche et la Prusse auraient des raisons beaucoup plus fortes pour entrer dans le Slesvig ! » M. de Bismark répliqua seulement que c’était aux Danois de profiter du temps qu’exigeaient encore ses préparatifs militaires, et de donner dans cet intervalle, dont il ne pouvait déterminer la durée, la satisfaction que l’Allemagne exigeait ; mais l’ambassadeur anglais à Berlin avait toute raison de croire que la durée de l’intervalle n’était que trop bien connue du ministre prussien, qu’elle se comptait par heures, — et il ne se trompait guère dans ses pressentimens. M. de Bismark n’attendait que l’issue du coup d’état qu’il avait préparé à Francfort (le 14), et le matin du 16 M. Buchanan dut écrire à son chef une dépêche significative conçue en ces termes : « Quoique le gouvernement de la Prusse ait constamment, et jusqu’à ce matin, répondu à toutes mes questions qu’une sommation à l’adresse du Danemark était prête, mais n’avait pas été expédiée, je trouve aujourd’hui que mes impressions étaient justes. La sommation a été expédiée pour Copenhague il y a trois jours, et un télégramme de cette nuit ou de ce matin en a ordonné la remise immédiate… » En effet, le 16, dans l’après-midi, les envoyés d’Autriche et de Prusse apportaient au président du conseil, à Copenhague, une note identique de leurs gouvernemens’ qui sommait le roi Christian d’abroger la constitution de novembre dans deux jours ; passé ce délai (le 18), les envoyés des deux puissances quitteraient la capitale du Danemark. C’était une déclaration de guerre !…

Dans ce danger extrême, lord Russell eut recours à son procédé ordinaire : il demanda des concessions à Copenhague et un peu d’aide à Paris ! Déjà le 13 avril il avait écrit à sir A. Paget que le roi Christian devrait réunir le rigsraad pour lui faire voter le retrait de la constitution, et en même temps sir A. Buchanan envoyait, de Berlin « l’assurance » que M. de Bismark « ne s’opposerait plus » à la convocation du parlement danois[1]. Le 15, le ministre britan-

  1. Toutefois, dans une note adressée plus tard (30 janvier) au cabinet de Londres, M. de Bismark devait déclarer : « Ne reconnaissant pas l’existence de la constitution de novembre, nous ne pouvons prêter la main à un procédé qui impliquerait pour le moment la reconnaissance de cette constitution,… » c’est-à-dire qu’il exigeait le retrait de la constitution, mais qu’il ne voulait point permettre la réunion du rigsraad pour l’abolir légalement, puisque le rigsraad serait momentanément convoqué au nom de cette constitution ! « Comment donc faire alors pour se pas tomber dans le vide ? » demandait M. Monrad à sir A. Paget (dépêche du 19 janvier). Il est vrai que M. de Bismark avait depuis longtemps indiqué un coup d’état à Copenhague comme le seul moyen de sortir de la difficulté constitutionnelle, et de même M. de Bechberg disait à lord Bloomfleld (dépêche du 19 janvier) que le mieux pour le roi Christian serait de proclamer l’état de siège !