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puissance maritime[1]… » Qui le sait cependant ? « Il est de mon devoir de dire, écrivait sir A. Malet au principal secrétaire d’état le 8 janvier, qu’il y a ici une indifférence miraculeuse pour toutes nos représentations, et la conviction étant absolue que l’Angleterre n’interviendra pas matériellement, nos avis ne sont d’aucun poids… »

L’Angleterre ne tarda pas cependant à trouver un vengeur de sa dignité compromise, de son autorité méconnue, et ce vengeur ne fut autre que M. de Bismark-Schoenhausen. Le ministre de Guillaume Ier eut hâte d’exploiter l’incident et de faire valoir ses vues modérées auprès de la diplomatie britannique, car enfin qu’avait-il voulu par sa motion à la diète du 28 décembre 1863 qui lui avait attiré le télégramme menaçant de Londres ?… Rien qu’une occupation « éventuelle » et pacifique du Slesvig, une simple prise de « gage » qui reconnaissait implicitement les droits du roi Christian IX, et laissait tout le temps à des conférences et à un arrangement à l’amiable, tandis que le Bund poussait à la guerre, au renversement de la dynastie, à la révolution ! Qui sait du reste où tendait « l’ambition » des petits états ? Les avances que leur faisait le cabinet des Tuileries, la lettre impériale au duc d’Augustenbourg, la circulaire de M. Drouyn de Lhuys déclarant le traité de Londres une « œuvre impuissante, » n’étaient-ce point là les symptômes d’une situation des plus graves, d’un travail souterrain formidable d’une tentative de faire revivre la néfaste confédération du Rhin ? Heureusement M. de Bismark était là pour veiller au salut du monde : il promit de faire rentrer le Bund dans ses limites, M. de Beust dans son lit, et il tint parole. Dès le 2 janvier, lord Russell put annoncer par le télégraphe à M. Howard, son envoyé en Hanovre, la bonne nouvelle « que l’Autriche et la Prusse étaient désormais résolues à prendre en leurs mains la conduite de l’exécution fédérale. » Cette phrase devint le mot d’ordre de la situation, a Dans les mains de l’Autriche et de la Prusse, disait M. de Rechberg à lord Bloomfield (dépêche du 7 janvier), la question ne saurait compromettre la paix de l’Europe. » Alors on vit un spectacle curieux : l’homme qui avait jusqu’ici tant redouté (il le disait du moins) l’esprit ombrageux du Bund et les « mouvemens démocratiques » en Allemagne, le même homme se mit tout à coup à traiter toutes ces puissances et tous ces spectres avec un sans-gêne et un dédain cavalier qui permettaient de suspecter gravement la sincérité de ses terreurs de la veille. Le à janvier, M. de Bismark, dans un comité de la chambre de Berlin, faisait une sortie violente contre les états secondaires et la confédération germanique. — Les

  1. Dépêche de sir A. Buchanan du 14 janvier 1864.