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commissaire saxon, et du général Hake, et déclara qu’il fallait « se débarrasser du duc d’Augustenbourg, dût-on y employer la force ! » Le 2 janvier 1864, l’Autriche et la Prusse proposèrent à la diète d’inviter le prétendant à quitter le Holstein ; mais, bien qu’appuyées par la Saxe (par M. de Beust !), elles restèrent en minorité. L’exaspération du ministre britannique fut à son comble. Les menées du Bund et de M. de Beust n’avaient pas laissé de l’irriter depuis longtemps. Dès le 25 décembre 1863, il avait demandé à M. de Bismark « de vouloir bien lui indiquer, pour son information, le traité ou document qui conférait à la diète le droit de décider dans des questions de succession. » Le président du conseil à Berlin répondit avec une bonhomie narquoise « qu’il ne connaissait aucun traité ou document de ce genre, et que si le gouvernement britannique voulait poser la même question à la diète de Francfort, il l’embarrasserait beaucoup[1] ! » Trop heureux de pouvoir à son tour mettre quelqu’un dans l’embarras, le principal secrétaire d’état se garda de négliger l’occasion. Il fit à la diète la communication solennelle du traité de Londres, et entama une correspondance des plus aigres avec les divers états secondaires. Le 5 janvier 1864, il leur adressa une dépêche courte, mais d’une originalité vraiment magnifique. — Puisque, disait-il, ce n’est plus une exécution fédérale que veulent les Allemands dans le Holstein, mais le renversement de la dynastie, la loyauté leur commandait au moins d’évacuer sur-le-champ ce duché, pour que le Danemark pût le défendre contre leur invasion ; « autrement une fraude aurait été commise, et l’exécution fédérale n’aurait servi que de prétexte pour une conquête déguisée… » En honnête et loyal Anglais, lord John demandait aux petits états de jouer fair play et de ne pas employer la ruse, — comme si la ruse n’était pas l’arme constante et pour ainsi dire le droit naturel de tout être faible et dépendant, de la femme, du nègre et des hommes d’état tels que M. de Beust ! Il est vrai qu’il n’y a rien de si arrogant que l’être faible, lorsqu’il se sent à l’abri d’une correction. Aussi M. de Beust répondit-il (5 janvier) à une des semonces du comte Russell par la note la plus insultante qu’ait jamais eu à décacheter le foreign office, et où il affirmait que le langage blessant du noble lord « égalait la légèreté de ses assertions et son ignorance des choses qui se passaient en Allemagne. » A la lecture de ce document étrange (car M. de Beust avait eu soin de lui donner la plus grande publicité possible), M. de Bismark remarqua finement « qu’une telle note n’aurait jamais été écrite, si l’Angleterre eût été une puissance continentale, ou la Saxe une

  1. Dépêche de sir A. Buchanan du 31 décembre 1863.