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mark, — le ministre de Guillaume Ier dit qu’il voudrait bien voir ce que les petits états pourraient faire dans la question du Slesvig-Holstein, si son gouvernement se retirait du jeu. « Jusqu’à ce moment, — ainsi s’exprimait le président du conseil en belle humeur[1], — toutes les fois que la question danoise était remise sur le tapis, le reste de l’Allemagne avait toujours dit à la Prusse : Hic Rhodus, hic salta ; maintenant c’est à la Prusse de répéter aux petits états le même mot… » Le mot n’embarrassait guère M. de Beust, il ne demandait même pas mieux que de faire le saut, qui ne lui paraissait point du tout périlleux. L’entreprise, selon lui, était des plus simples et des plus faciles. Le duc d’Augustenbourg n’avait qu’à être reconnu par la diète de Francfort comme souverain légitime du Holstein, et puisque heureusement, grâce à l’exécution fédérale, ce pays était occupé par des troupes allemandes sous le commandement du général saxon Hake, l’installation du prince Frédéric se ferait sans encombre. Resterait le Slesvig, sur lequel la diète n’avait pas peut-être une entière compétence, mais sur lequel le prince Frédéric avait des droits incontestables. Or qu’est-ce qui pourrait empêcher le prince Frédéric, déjà en possession du Holstein, de conquérir sur le Danemark son duché héréditaire du Slesvig à l’aide de son armée, à l’aide aussi des « volontaires d’Allemagne » qui accourraient de toutes parts, et des troupes du Bund, qui n’a jamais reconnu le traité de Londres ? L’œuvre nationale serait ainsi accomplie par la nation elle-même, par l’élan de son héroïque jeunesse, sans l’immixtion des grandes puissances germaniques, et par conséquent sans fournir de prétexte a l’intervention de l’Europe. Farà da se[2] !

C’est cette ingénieuse combinaison dans la tête (« tête trop forte pour son royaume, » disait vers ce temps un diplomate français) que M. de Beust se mit en route subitement le 18 décembre pour Munich, après avoir annoncé son départ au corps diplomatique de Dresde avec une solennité inaccoutumée. Le même jour arrivait à Munich le duc d’Augustenbourg, voyageant incognito sous le nom du comte Storman-Augusten, et le roi de Bavière le recevait au bas de son escalier. Des conciliabules eurent lieu, un plan de campagne fut. arrêté ; le Wurtemberg et le Hanovre lui-même entrèrent de loin dans la ligue. On ne négligea pas non plus de renouveler auprès de l’Autriche l’appel récemment fait parle duc de Cobourg, et

  1. Dépêche de M. Quaade du 8 octobre 1863. (Papiers d’état communiqués au rigsraad.
  2. Les dépêches de lord Loftus des 23 et 29 décembre résument assez bien le plan de conduite des états secondaires. Voyez aussi la dépêche de M. Murray du 19 décembre.