Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III

Il a été parlé plus d’une fois dans ce récit de l’ardeur avec laquelle les états secondaires de l’Allemagne avaient embrassé dès l’origine la cause du Slesvig-Holstein. Seul, le royaume de Hanovre avait fait longtemps exception et donné des espérances à la diplomatie britannique. Enclavée dans la Prusse, cette patrie des deux Schlegel et de la maison actuellement régnante en Angleterre n’avait guère hâte de voir à sa frontière de l’est (la frontière du Holstein) les sombres poteaux noirs et blancs qui ne la serraient déjà que trop des divers autres côtés, et le ministre hanovrien comte Platen fit tout son possible pour amener une solution pacifique du différend. Il mérita même à ce titre, et plus d’une fois, les vives félicitations du comte Russell, qui, lorsqu’elles furent connues plus tard (à l’apparition des state papers), soulevèrent contre M. de Platen la grande colère de tous les bons patriotes. Vers la fin de 1863 toutefois, M. Howard dut mander au comte Russell (31 décembre) que le Hanovre, lui aussi, ne reconnaissait plus le traité de Londres, soit qu’il ne pût résister plus longtemps au courant général, soit qu’il eût à ce moment l’espoir, l’illusion, que « la délivrance des duchés, » qui avait été, en 1848, une entreprise toute prussienne, pourrait bien cette fois devenir une œuvre nationale, une œuvre vraiment allemande, l’œuvre en un mot des états secondaires. Ces états avaient de tout temps cherché dans la question de l’Eider un petit rôle pour eux, l’occasion de se produire, de devenir marteau après avoir toujours été enclume. Du reste, et depuis l’extension que commencèrent à prendre dès 1840 les tendances unitaires en Allemagne, les petites cours furent hantées bien souvent par l’idée d’une triade, d’une solidarité étroite à établir parmi les états secondaires afin de s’interposer entre l’Autriche et la Prusse, afin d’échapper aussi aux annexions et aux hégémonies futures, et de faire figure dans le monde, s’il était possible. Étoiles microscopiques et au point même d’être déclarées filantes, elles se demandaient si, serrées en un groupe unique, elles ne formeraient pas une constellation qui aurait sa place dans le système européen. Ce parti de Würzbourg (ainsi qu’on devait le nommer bientôt en l’opposant au parti de Gotha) était depuis bien des années déjà dirigé par une espèce de triumvirat composé de M. de Beust, ministre de la Saxe, M. de Pfordten, plénipotentiaire de la Bavière près la diète de Francfort, et M. le baron de Dalwigk, ministre de Hesse-Darmstadt. Ancien professeur de droit à l’université de Leipzig, M. de Pfordten était le grand jurisconsulte du parti, le rappor-