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Reiberg et Bismark, et il continua ses négociations avec Paris. Il envoya le 10 janvier 1864 une nouvelle proposition, — la cinquième depuis dix jours, si nous avons bien compté. Les puissances non germaniques devraient faire une « représentation commune » (joint représentation) à la diète de Francfort « portant que l’invasion du Slesvig constituerait un acte de guerre envers le Danemark, et lui opposant la grave responsabilité dont elle se chargerait en rompant par des mesures précipitées la paix de l’Europe. » M. Drouyn de Lhuys demanda de nouveau à prendre les ordres de l’empereur ; il attendit jusqu’au 14 janvier, et alors il rapporta la réponse qui avait déjà été faite en septembre 1863 à M. Grey, au commencement même de ces complications, — la réponse qui devait être faite plus d’une fois encore dans le cours des événemens, et qui était comme le refrain et la moralité saisissante de cette douloureuse négociation au sujet du Danemark. « M. Drouyn de Lhuys m’a fait remarquer, — lisons-nous dans la dépêche de lord Cowley du 14 janvier, — qu’il ne pouvait oublier que, quand la Russie a été avertie par la France, la Grande-Bretagne et l’Autriche, de la responsabilité qu’elle encourait par sa conduite envers la Pologne, le prince Gortchakov avait répondu que la Russie était prête à assumer cette responsabilité devant Dieu et devant les hommes. Il (M. Drouyn de Lhuys) ne se soucierait pas, quant à lui, de provoquer maintenant, et de la part de l’Allemagne, une réponse du même genre, qui serait accueillie avec une même indifférence… » — « Du reste, ajoutait le ministre de France, l’empereur ne voyait pas quel avantage il y aurait à faire à la diète de Francfort des représentations qu’il serait plus logique assurément d’adresser à l’Autriche et à la Prusse, puisque c’étaient ces deux grandes puissances qui non-seulement avaient proposé au Bund l’invasion du Slesvig, mais qui s’apprêtaient à exécuter ce dessein, avec ou même sans le consentement de la confédération. » En effet, au moment où lord Colley insistait sur une « représentation commune » à l’adresse de la diète de Francfort, celle-ci avait déjà fini son rôle : un véritable coup d’état venait d’avoir lieu sur les bords du Mein, et M. de Bismark était maintenant le seul exécuteur de la grande œuvre patriotique…

Force nous est donc de retourner ici un peu en arrière et de raconter un épisode de l’histoire intérieure de l’Allemagne. Ce fut, dans le drame général qui occupait la scène du monde, un drame tout intime, éminemment tudesque, et auquel on pourrait bien donner pour titre : grandeur et décadence des petits états germaniques.