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Très alarmé par les rapports de son ambassadeur à Paris, le principal secrétaire d’état eut l’idée qu’une proposition venant directement de Copenhague trouverait peut-être plus de faveur auprès du cabinet impérial, et il télégraphia en ce sens à lord Wodehouse. L’envoyé spécial répondit que le gouvernement danois, au lieu d’une conférence, préférerait demander la médiation des puissances non germaniques signataires du traité de Londres (l’Angleterre, la France, la Russie et la Suède). Lord John Russell voulut bien l’admettre, et, sans attendre les notes de Copenhague, il chargea immédiatement lord Cowley de proposer au cabinet des Tuileries un « concert des quatre puissances non germaniques » pour obtenir un délai d’abord et pour travailler ensuite à une « conférence ou à une médiation des puissances non germaniques ou à tout autre mode d’un arrangement amiable. » C’était le 5 janvier ; mais vers ce temps M. Drouyn de Lhuys devint presque inabordable pour l’ambassadeur anglais : il était indisposé, il devait prendre les ordres de l’empereur, il donnerait sa réponse par écrit et promptement ; cette réponse ne s’en faisait pas moins singulièrement attendre[1]. On eut cependant plusieurs courtes entrevues (le 3, le 5 et le 7), qui n’amenèrent à aucun résultat. Le ministre de France avait toujours les mêmes objections : il trouvait que la présence d’un plénipotentiaire de la diète ne produirait que de la « confusion » dans les débats ; il estimait en général que les propositions du cabinet de Saint-James n’étaient point « pratiques. » « Il n’avait pas besoin de dire que les sentimens nés des circonstances passées ne doivent point influer sur une décision dans une cause aussi importante ; » mais il demandait ce qu’on ferait si l’Allemagne n’acceptait pas la médiation proposée et continuait les hostilités. Lord Cowley répondit naïvement « que dans ce cas de nouvelles délibérations entre les puissances deviendraient nécessaires : à quoi bon cependant s’occuper par anticipation de difficultés qui peut-être ne se réaliseront jamais ?… » On comprend qu’une pareille perspective n’avait guère de quoi sourire à un ministre déjà si éprouvé par les négociations au sujet de la Pologne, et l’ambassadeur anglais eut beau représenter que les grandes

  1. On lit entre autres dans une dépêche de lord Cowley du 7 janvier : « J’ai informé votre seigneurie que M. Drouyn de Lhuys m’a fait espérer le 5 une réponse dans le courant de la journée. Le jour passa toutefois sans aucune communication de la part de son excellence. Le lendemain, et au reçu de votre télégramme, je ne perdis pas un instant ; je me rendis chez le ministre et le priai de me fixer une heure. A quatre heures de l’après-midi, deux billets m’ont été remis de la part de son excellence, l’un daté de la veille, et qui a ainsi mis vingt-quatre heures à arriver chez moi. Il déclarait que le gouvernement impérial, avant de nous répondre, veut attendre les communications de Copenhague… »