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lait pas même de ce « congrès restreint, » il suggérait une conférence spéciale sur les affaires du Danemark en désignant Paris pour lieu de réunion (dépêche de sir A. Buchanan du 16 décembre). Le gouvernement britannique fut d’abord loin d’être ravi de la suggestion prussienne, et le lieu indiqué pour le rendez-vous n’entrait pas pour peu dans ce sentiment de répulsion, car qui lui garantissait qu’une conférence spéciale à Paris n’engendrerait pas, par impossible, un congrès général, et qu’à l’encontre de l’aventure arrivée jadis au vainqueur des Philistins, ce ne serait point cette fois du doux et de l’utile que sortirait l’animal dévorant, pour parler le langage du Samson de la Bible ?… Après quelques jours d’hésitation, lord Russell déclara le 24 décembre qu’il ne « répugnait pas » à ce que la question fût discutée dans une conférence, pourvu, bien entendu, qu’elle se bornât « strictement » à ce seul sujet. Il n’avait pas non plus d’objection contre Paris, « bien que les conférences antérieures sur ces affaires aient été tenues jusqu’à présent à Londres. » L’adhésion, comme on le voit, n’était pas des plus chaleureuses ; mais la situation s’aggravant d’un moment à l’autre, et lord Bloomfield ayant mandé (24 décembre) que l’Autriche était très désireuse (anxious) « qu’une conférence se réunît le plus tôt possible, pour que la question des duchés pût dépouiller son caractère germanique exclusif et assumer un caractère européen » (M. de Bechberg cherchait une issue !), le ministre britannique commença par éprouver pour l’idée de M. de Bismark une ardeur qui alla croissant à mesure même que l’auteur primitif se refroidissait pour elle.

Comment cependant faire la proposition d’une conférence sur la question danoise au cabinet des Tuileries ? Après avoir exprimé sa pensée « avec aussi peu de circonlocutions que possible, » après avoir dit son fait au gouvernement de la France au sujet du congrès et « heureusement » rétabli contre lui « l’harmonie » des quatre grandes puissances, le principal secrétaire d’état ressentait quelque gêne de venir de nouveau lui parler d’une conférence spéciale à Paris, « strictement limitée » à la question des duchés. Il demanda conseil à Saint-Pétersbourg[1], et le prince Gortchakov fut d’avis que le mieux serait d’employer l’intermédiaire du gouvernement de Copenhague. C’était maintenant au pauvre Danemark de tirer lord Russell d’embarras ! Le télégraphe joua immédiatement pour Copenhague, et lord Wodehouse fit une proposition,… non pas précisément une proposition (soyons bien exact), mais une insinuation, ainsi qu’il eut soin de le faire remarquer à M. Vedel,

  1. Voyez, sur cette plaisante transaction, les dépêches de lord Napier (25 décembre), de lord Wodehouse (26, 29 et 30 décembre), de lord Bloomfield (31 décembre).