Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son poste (le 24 décembre), pour ne pas faire obstacle à des essais d’arrangement avec l’Allemagne. Une crise ministérielle s’ensuivit, qui dura plusieurs jours, et c’est seulement vers la fin de l’année que l’évêque Monrad put compléter une administration nouvelle. M. Monrad du reste se montra aussi peu disposé que son prédécesseur à inaugurer l’œuvre du « suicide. » Il dit le 31 décembre à sir A. Paget que, « si un arrangement définitif en réalité pouvait être proposé au Danemark, on consentirait à de grands sacrifices, mais qu’il ne souscrirait à aucune espèce de concession qui n’aurait pour effet que d’obtenir un résultat temporaire. » Et l’évêque-ministre répéta à plusieurs reprises que, « dans l’état actuel des affaires, il ne restait plus d’autre parti à prendre que de lancer le peuple[1]. »

Tandis que la diplomatie anglaise éprouvait de si grandes difficultés à « en finir » avec la constitution à Copenhague, le cabinet de Saint-James était constamment tenu en éveil, en alarme, par des propos, excentriques de M. de Bismark, que sir A. Buchanan s’empressait de rapporter en toute hâte à Londres. Le 20 décembre par exemple, le président du conseil de Berlin jetait négligemment, et pour la première fois, une pensée à laquelle il réservait encore un rôle des plus importans, la pensée « qu’une guerre avec le Danemark mettrait fin à tous les engagemens de l’Allemagne envers l’Europe concernant cette monarchie. » Trois jours après, il déclarait à l’ambassadeur britannique que la Prusse n’avait que « deux alternatives » devant elle : ou répudier les obligations de 1852 et laisser le Bund procéder à l’installation du duc d’Augustenbourg dans le Holstein, ou bien maintenir les obligations de 1852, mais à la condition que les puissances resteraient neutres dans la guerre que ferait le Bund au Danemark pour la revendication de ses droits dans le Slesvig ! Le principal secrétaire d’état protesta de toutes ses forces contre les « alternatives » et les aphorismes de Berlin, et le ministre de Guillaume Ier s’étonna à son tour d’être si mal compris. Il tenait toujours aux engagemens internationaux, au traité de Londres. « Le respect du traité de Londres ! disait-il à sir A. Buchanan, mais vous prêchez un converti ! » Il ne voulait pour rien au monde déchirer ce traité, encore moins faire la guerre au Danemark, et c’est précisément pour éviter l’une et l’autre de ces extrémités qu’il demandait… à occuper le Slesvig, à l’occuper pacifiquement et comme « un gage de l’accomplissement par le Danemark des vœux légitimes de l’Allemagne. » La proposition était éminemment conservatrice, soutenait-il, faite sur la base du maintien de l’intégrité de la

  1. Ces trois mots curieux sont en français dans la dépêche de sir A. Paget du 3 janvier 1864.