la même catégorie d’erreur. C’était une arme de guerre dont ils ne se faisaient ; point faute. Il fallait à la vérité beaucoup d’audace pour s’en servir contre un homme tel qu’Épiphane, dont toute la chrétienté admirait la science, et pourtant Jean de Jérusalem l’osa. Tout le temps qui s’était écoulé depuis la réunion du matin, il l’avait employé à aiguiser le trait perfide qu’il réservait à son adversaire. Épiphane avait parlé des origénistes : il parla des anthropomorphites, jetant à pleines mains sur leur doctrine le ridicule et l’odieux. Il fit son discours le corps tourné vers Épiphane, les regards fixés constamment sur lui, et le désignant le plus clairement qu’il pouvait à la risée publique. S’enivrant de sa propre colère, à mesure qu’il parlait, il avait la bouche sèche, la tête rejetée en arrière, les lèvres tremblantes, la voix saccadée par l’émotion : Épiphane au contraire restait impassible sur son siège. Lorsque Jean eut fini, il se leva et fit signe qu’il voulait parler à son tour. Après avoir salué l’assemblée de la voix et de la main, il prononça ces mots avec lenteur et solennité : « Tout ce que Jean, mon frère par l’union du sacerdoce et mon fils par l’âge, vient de dire contre l’hérésie des anthropomorphites, je le trouve fort bien dit et fort à propos, et je joins mon témoignage au sien pour condamner ces sectaires ; mais comme nous réprouvons tous les deux cette absurde croyance, il est juste aussi que tous les deux nous déclarions réprouvés les dogmes pervers d’Origène. » Un rire universel suivi d’une longue acclamation accueillit ces paroles du vieil évêque, et l’avantage fut encore pour Épiphane.
Une troisième scène, préparée par Jean, eut lieu le lendemain ou le surlendemain. On était alors au temps pascal, et l’évêque de Jérusalem, dans l’intention de mettre au grand jour son orthodoxie, profita de la présence d’Épiphane pour résumer, dans une grande catéchèse tenue à l’église de la Croix, l’ensemble de ses instructions du carême. Il passa en revue les principaux dogmes de la foi, la trinité, l’incarnation, le mystère de la croix, l’enfer, l’état des âmes avant et après la vie, enfin la résurrection du Sauveur et la nôtre, donnant sur chaque point dogmatique une solution. Il paraît que son exposé fut interrompu plusieurs fois par les cris de désapprobation de l’assemblée, de sorte que Jean, tout troublé, interpella Épiphane pour qu’il eût à déclarer si cette profession de foi lui semblait orthodoxe ou non. La situation était délicate pour l’interpellé, car il s’agissait de prononcer, séance tenante, la condamnation d’un évêque dans sa propre église et devant son troupeau. Épiphane crut s’en tirer en répondant d’une manière vague qu’il ne trouvait rien à redire aux doctrines qu’il venait d’entendre ; puis, rentré chez lui et repassant dans sa mémoire les solutions théologiques de Jean, il y découvrit hérésie sur hérésie, et se reprocha