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territoire, — de le reconnaître indirectement du moins, à un certain degré, comme le disait si bien M. de Bismark ? Le moyen d’exécuter fédéralement un prince en lui contestant le caractère de prince fédéral !… Une objection se présentait toutefois ici à la grave diplomatie britannique. Puisque, comme on ne cessait de l’affirmer, l’Allemagne était si exaltée, le Holstein prêt à éclater et à acclamer le duc d’Augustenbourg, n’y avait-il pas alors à craindre que l’apparition des forces allemandes sur l’Eider ne devint le signal d’une explosion, que des cris séditieux ne fussent poussés, « l’autorité du roi méconnue, » et que les troupes fédérales, au lieu d’exécuter, ne s’avisassent de « fraterniser » avec les insurgés qui se lèveraient dans le Holstein ? — Qu’à cela ne tienne ! répondit à cette question M. de Rechberg, on saura y pourvoir., — « Si j’ai bien compris son excellence, écrivait lord Bloomfield le 10 décembre, il est entendu que, pour se prémunir contre toute fraternisation entre les soldats autrichiens et les habitans du Holstein, la brigade impériale sera composée de régimens hongrois et polonais… » 0 nationalité, que de comédies on joue en ton nom !… C’est pour délivrer des « frères allemands » que les puissances, germaniques se mettaient en campagne contre le Danemark ; mais en même temps elles se gardaient bien de trop fraterniser avec ces frères, et pour mieux s’en préserver elles confiaient l’œuvre libératrice à des Hongrois, à des Polonais qu’elles opprimaient !… Certes il appartenait de droit à l’Autriche de dire ainsi le dernier et sublime mot de cette sainte « guerre de nationalité » sur l’Eider !…

Avant de se résigner toutefois à la demi-mesure de M. de Bismark, lord Russell avait eu soin d’épuiser tous les moyens, de demander tous les délais ; il avait tenu surtout à bien semoncer les petites cours allemandes sur leur conduite « injustifiable. » Il envoya missive sur missive à la Bavière, au Wurtemberg, à la Saxe et au Hanovre ; il expliqua longuement et itérativement la grande, l’incommensurable différence qu’il y avait entre une exécution plus ou moins légale et opportune dans le Holstein et une attaque contre le Slesvig, pour ne plus rien dire de l’inconcevable prétention des petits états à ne pas. reconnaître le traité de Londres et le principe de l’intégrité de la monarchie danoise. En train de faire la leçon à tout le monde, le principal secrétaire d’état en fit même à l’un de ses propres agens, à l’un de ceux qui certes en avaient le moins besoin, et M. Malet (le seul peut-être des diplomates britanniques qui ait montré dans toute cette affaire de la sagacité et de la prévoyance) reçut une verte réprimande pour avoir imité inconsidérément les Germains en donnant au traité de Londres le « sobriquet (nick-name) de protocole de Londres ; » il était prié de ne plus