Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir toujours compter sur la Russie, dont l’appui efficace ne lui avait pas fait défaut en 1848 ; mais sa plus ferme confiance, il la plaçait surtout dans l’intérêt que l’Angleterre n’avait cessé de lui témoigner. Le mariage du prince de Galles avec la fille du duc de Glüksbourg, l’héritier désigné du trône, les ovations prodigieuses, enthousiastes, vraiment populaires, qui accueillirent la belle princesse Alexandra lors de son entrée à Londres, ne firent naturellement que relever à cet égard les espérances du Danemark. Le moyen de supposer que la Grande-Bretagne, si puissante, si fière, devenue même si démonstrative, souffrirait jamais qu’on démembrât la patrie de sa future et gracieuse reine ! Ce fut cependant le cabinet de Saint-James qui donna le premier signal de ce démembrement par la fatale dépêche de Gotha du 24 septembre 1862. Et lorsque, dans l’année suivante, les ministres britanniques voulurent réparer le mal, apaiser l’effroyable tempête qu’ils avaient déchaînée eux-mêmes, ils ne surent au fond faire autre chose qu’imposer au gouvernement de Copenhague des concessions toujours nouvelles et de plus en plus pénibles ! Frédéric VII s’était prêté à toutes les transactions que lui recommandaient tour à tour lord Russell et l’ambassadeur anglais sir A. Paget ; il avait répondu du ton le plus conciliant aux hautaines sommations du Bund vers la fin du mois d’août 1863 ; il avait souscrit aux points stipulés entre M. Buchanan et M. de Bismark dans la fameuse minute du 14 octobre, en ne rejetant même pas d’une manière absolue « l’avis » de révoquer entièrement la patente du 30 mars. Sans doute ces diverses et douloureuses concessions, le roi les faisait avec bien peu d’empressement et en s’en défendant même beaucoup : il les faisait cependant, il suivait docilement les conseils du cabinet de Saint-James ; il espérait qu’à l’heure des épreuves l’Angleterre lui tiendrait compte de tant de sacrifices. Disons-le toutefois, jusque dans ces condescendances envers la Grande-Bretagne, l’honnête souverain ne se départit pas de la conviction qu’il s’était formée de bonne heure sur les intérêts vitaux de sa monarchie, et jamais peut-être prince n’est demeuré jusqu’au bout aussi conséquent avec lui-même. Dès les premiers jours de son avènement, il avait fait la loyale déclaration[1] qu’il accorderait au Holstein tout ce qu’on pourrait désirer, mais qu’il n’aliénerait jamais rien de l’antique patrimoine du peuple danois, et ce programme, on le retrouve tout entier dans les deux derniers actes importons de son règne. Le même jour en effet où le risgraad de Copenhague, après plusieurs semaines de lohgs’et solennels débats, donnait sa sanction définitive au projet

  1. Dans sa réponse aux insurgés de Rendsbourg, le 4 avril 1848. — Voyez la Revue du 1er avril.