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Coïncidence fatale, et qui a bien étrangement signalé la fin comme les débuts de cette longue tragédie de l’Eider ! En 1848, lors de la première tentative des Allemands sur les duchés, et au moment même où ils allaient envahir le territoire danois, le décès subit de Christian VIII venait ajouter au péril de la monarchie menacée dans son intégrité. Seize années plus tard, le successeur de Christian expirait, lui aussi, et d’une manière également imprévue, au milieu de complications semblables, à la veille d’une seconde invasion allemande bien plus calamiteuse encore. Certes les vicissitudes contemporaines, du Danemark n’ont point manqué d’incidens dramatiques, et il y a comme un rhythme douloureux et saisissant dans cette double et soudaine intervention de la mort aux momens des crises suprêmes pour l’état Scandinave. Ce n’est d’ailleurs que par cette fin que les deux règnes se ressemblent, et si l’histoire a pu garder rancune au bon roi Christian pour sa longue incurie envers la propagande du slesvig-holsteinisme, elle ne saurait par contre refuser de reconnaître en son successeur un monarque aussi vigilant que patriotique. Arrivé au pouvoir au milieu de la tourmente de 1848 et de l’épreuve terrible que fit subir à son trône l’Allemagne « régénérée » et avide de conquêtes, Frédéric VII eut toujours présens à l’esprit les dangers auxquels son royaume demeurait exposé ; il fut loin de les croire à jamais conjurés par les débiles arrangemens de la diplomatie en 1852, et il voulut s’entourer d’appuis plus solides, Animé d’un amour ardent pour la nationalité danoise, il ne cessa de la protéger et de la développer dans toutes les sphères, de l’encourager jusque dans les plus humbles de ses manifestations, — jusque dans ces fouilles archéologiques qui attestaient un passé reculé et autochthone, — et en même temps il résolut de retremper les forces de son peuple dans l’exercice digne et viril de la vie publique. Il eut hâte de doter son pays des institutions les plus larges et les plus libérales ; il encourut ainsi la disgrâce du tsar Nicolas, la mauvaise humeur constante de MM. de Manteuflfel et de Buol, sans cependant se laisser jamais détourner de sa voie ni emporter par le triste courant de réaction devenu si général depuis 1852. Il se montra jusqu’à la fin le propagateur zélé et éclairé de toutes les réformes. Dans sa politique extérieure, Frédéric VII fut attentif à multiplier partout ses relations, à se ménager des amitiés et des protections pour le moment toujours prévu d’une lutte suprême. Il fut un des premiers à reconnaître le nouveau royaume d’Italie ; il donna volontiers un prince de sa famille à la Grèce secouant sa dynastie bavaroise, et il eut l’esprit assez délié pour ne pas même prendre ombrage du mouvement Scandinave, qui semblait lui promettre l’assistance éventuelle de la Suède. Parmi les grandes puissances, il croyait