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grands caractères la gloire du Très-Haut au front des étoiles. Ces puérils préjugés ne sont peut-être pas entièrement dissipés, il est du moins certain que le premier jour qu’un fidèle d’un esprit simple entend parler de l’énormité des distances célestes et de la multitude innombrable des astres, sa foi en est un moment troublée. Il craint que dans un si vaste ensemble l’homme et la terre ne soient trop peu de chose pour avoir attiré la sollicitude divine au point de mériter le miracle de la révélation. Cette crainte même est une faiblesse d’esprit, et désormais tous les docteurs éclairés admettent sans scrupule la grandeur de l’univers et la pluralité des mondes. Ils ne se récrient plus à la supposition que la terre ne soit pas seule habitée, ni l’homme le seul être vivant, sensible, intelligent, qui porte sur sa face un reflet de la lumière éternelle. A proprement parler, depuis Copernic et Newton, ces mots de terre et de ciel ont changé de sens. Cette dualité n’est plus la vraie division des choses. Tout est ciel ; la terre même est dans le ciel et en fait partie. Pour concevoir que l’homme passât d’une existence à une autre, il a toujours fallu supposer que, par une transmigration dont l’observation de la nature physique ne nous donne aucune idée, il changeât de résidence et allât, comme on dit, dans un autre monde. Puis donc qu’il y a désormais tant de mondes divers, comment cet autre monde ne serait-il pas un de ceux-là, et de quel droit affirmer que le système planétaire, que même tous les systèmes qui de sphère en sphère s’étendent dans l’espace soient nécessairement étrangers à l’existence de l’homme, maintenant surtout qu’ils ne sont plus inaccessibles à sa raison ? C’est au développement de l’idée contraire que M. Camille Flammarion a consacré un ouvrage remarquable, intitulé la Pluralité des Mondes habités.

Le livre commence par une description des élémens du système du monde, et surtout du système solaire. C’est un tableau plein de grandeur et d’éclat. Une exacte précision et une parfaite clarté n’ôtent rien à l’intérêt que le talent animé de l’écrivain a su répandre dans cette exposition, technique et pittoresque à la fois. Des données que possède la science aujourd’hui, il a cru pouvoir induire des notions certaines sur la constitution des divers astres placés dans la sphère d’attraction du soleil, et de ces notions, qu’il rend au moins probables, il tire des conclusions peu favorables à notre pauvre planète. Il établit d’une manière plausible que la terre, reléguée dans la hiérarchie planétaire à un rang inférieur, ne peut, comme monde habitable, soutenir la comparaison avec d’autres globes qui tournent aussi autour du soleil, par exemple avec Jupiter, qu’il décrit avec magnificence. Cette partie de l’ou-