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que l’intérêt de la morale. Il y a toujours une hardiesse assez suspecte à le négliger ; mais il ne peut au fond fournir qu’un argument politique, un peu gâté par l’usage que les politiques en ont fait. Il n’est pas jusqu’à Robespierre qui n’en ait usé, et qui n’ait proclamé l’immortalité de l’âme pour se débarrasser d’Hébert et des hébertistes. Ce serait pourtant une témérité bien orgueilleuse que de compter pour rien le seul argument à peu près qui ramenât Kant aux vérités de la métaphysique religieuse, et c’est au moins un préjugé d’un grand poids en faveur d’une opinion qu’elle profite à la morale.

Les deux dernières preuves que nous avons indiquées sont d’un ordre plus élevé, plus difficiles à établir, et, bien établies, elles seraient les plus scientifiques, les plus directes, les plus fortes ; mais elles ont l’inconvénient, comme elles ont l’honneur, d’appartenir à la théologie rationnelle et à la psychologie rationnelle, c’est-à-dire à deux parties de la métaphysique contre lesquelles Kant a dirigé ses plus redoutables batteries. Cependant il tombe sous le sens que si l’on parvenait à mettre hors de question l’idée de la justice de Dieu, telle que la raison humaine la conçoit, et à déduire de cette justice, combinée avec les autres attributs divins, la nécessité de la vie future, on élèverait la probabilité sublime au rang d’une vérité absolue, et elle partagerait la certitude de l’existence de Dieu.

De même, si plus directement encore on réussit à trouver dans la nature même de l’âme le signe et le gage de son immortalité, la vérité ainsi obtenue naîtra de la science même, elle en fera partie, et passera au rang des principes de la psychologie. C’est au fond la tentative de Platon dans le Phédon ; mais sa démonstration célèbre, répétée par Cicéron dans sa République et ses Tusculanes, n’aboutit guère à prouver qu’une chose : c’est que l’âme, n’étant pas de même nature que le corps, ne périt pas nécessairement avec lui. Il en est de même de tout ce qu’on nous enseigne dans les écoles. On s’y réduit en général à montrer que l’âme, ayant d’autres lois d’existence que le corps, doit pouvoir exister sans lui, puisqu’elle existe autrement. Or c’est là une possibilité et non pas une certitude.

On ne saurait donc recommander avec trop d’insistance ces deux capitales questions à l’étude approfondie des philosophes. Celle surtout qui est du ressort de la psychologie mérite toute leur attention. La psychologie a pour ainsi dire des réparations à faire à l’immortalité de l’âme. Elle l’a trop négligée, par crainte, je le sais, non par dédain. Elle a droit assurément à toutes les louanges que nous lui donnons : elle est le commencement et la base de toute bonne philosophie ; mais souvent elle se contente de cela, et sur